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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Commanderie de l'Hôpital-sur-Coulommiers
XXVIII
Notice sur la chapelle de l'ancienne commanderie de l'Hôpital-sur-Coulommiers (Seine-et-Marne), ordres du Temple et de Malte.
Sur la colline qui domine la ville de Coulommiers, vers le nord-est, existe une ferme connue sous le nom de l'Hôpital. C'était une des six commanderies que l'ordre de Malte ou de Saint-Jean-de-Jérusalem, succédant aux Templiers, possédait dans le diocèse de Meaux.

Michel-Martial Cordier, juge de paix à Coulommiers avant 1789, plus tard député de Seine-et-Marne à la Convention nationale, et mort en exil à Bruxelles en 1824, avait laissé une histoire manuscrite de la ville de Coulommiers. Ce manuscrit a été mis en vente vers 1837 et acquis, moyennant 28 francs, sans que le conseil municipal de Coulommiers, préalablement averti, s'en soit ému, par un éditeur de Melun, qui l'a publié, mais défiguré et maladroitement augmenté, dans une collection intitulée Essais historiques sur le département de Seine-et-Marne. Aujourd'hui, ce manuscrit est égaré, et j'ai la certitude qu'il n'a point été copié.

C'est une perte irréparable pour l'histoire de notre cité, puisque les collections et chartriers fouillés par M. Cordier sont aujourd'hui dispersés ou détruits. Historien et archéologue de l'école de Dulaure, M. Cordier présentait de longues considérations générales sur les ordres du Temple et de Malte ; je ne relaterai ici que les faits particuliers à la commanderie de l'Hôpital.

Thibault II, comte de Champagne et de Brie, seigneur de Coulommiers, donna aux Templiers, dont l'institution venait d'être reconnue, en 1128 :
La Maison de l'Agent, à Coulommiers. Cette maison, qui servait, dit-on, de logement au percepteur des tributs pendant l'occupation romaine, prit le nom de l'Autruche, lorsque les Templiers la transformèrent en hôtellerie pour les chevaliers et frères servants en voyage. C'est sous ce dernier nom qu'elle est encore connue. C'est un édifice vulgaire du XVIe siècle ; les caves portent tous les caractères du XIIIe siècle. Mon grand-père, qui en fût le propriétaire, a trouvé dans le jardin de nombreux squelettes et quelques tombes en forme d'auge, en plâtre.

2° Le Moulin de la ville, qui dépendait du château de Coulommiers et qui prit tour à tour les noms de Moulin du château, de l'Hôtel des salles, des Templiers, de la ville, de Malte, et enfin des religieuses, à cause de son voisinage avec Notre-Dame-de-Paix, ordre de Saint-Augustin, fondé en 1638. Ce moulin existe encore : les constructions du vannage paraissent dater du XIIIe siècle.

Les biens de Montbillard, ancien château fort détruit en 978, sous le règne de Lothaire. Plus de soixante années après la mise en possession des chevaliers du Temple, la ferme ou grange fut établie près des ruines du château. On construisit une chapelle et cet endroit fut appelé le Temple.
Au commencement du XIVe siècle (1312), le pape abolit l'ordre des Templiers et donna leurs biens aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, depuis appelés chevaliers de Malte. A partir de ce moment, la ferme du Temple, ou la grange des Templiers, fut appelée l'Hôpital-sur-Coulommiers, nom qu'elle a conservé depuis.

Dom Toussaint Duplessis (Histoire du diocèse de Meaux, pouillé, 1731), énumérant les possessions de l'ordre de Malte dans le diocèse, signale la commanderie de l'Hôpital, près Coulommiers ; mais il ajoute qu'elle est déjà transportée à Maison-Neuve, ferme distante aujourd'hui d'environ trois kilomètres. La chapelle de l'Hôpital était dédiée à sainte Anne ; celle de Maison-Neuve fut dédiée à saint Michel.

Maison-Neuve n'est plus qu'une habitation rurale d'allure toute moderne. L'Hôpital, vendu lors de la suppression de l'ordre de Malte, à M. Péan de Saint-Gilles, a conservé sa chapelle et plusieurs corps de bâtiments portant des traces de l'architecture civile du XVIe siècle.

Quelques fondations à fleur du sol et s'étendant parallèlement à un large fossé rempli d'eau, ont fait conjecturer à M. Cordier que ces constructions appartiennent à l'ancienne forteresse de Montbillard ; l'état de ces ruines ne permet pas de discuter cette opinion.

En admettant l'hypothèse de M. Cordier, la forteresse se trouve totalement en dehors de l'enclos actuel de l'Hôpital, et l'on peut supposer qu'elle présentait un carré dont chaque côté, d'environ 60 mètres de longueur, correspondait aux quatre points cardinaux.

Les bâtiments d'exploitation agricole sont nombreux et vastes, et n'ont point été modifiés extérieurement depuis la suppression de l'ordre de Malte. Le pignon nord de l'un d'eux est soutenu par deux contreforts du XIIIe siècle. Le bâtiment qui servait à l'habitation des chevaliers occupe le côté oriental d'une grande cour rectangulaire sa construction date du XVIe siècle. Il n'y a qu'une fenêtre avec ogive en accolade, mais on voit plusieurs baies avec des meneaux en croix et des moulures du XVIe siècle. La vis de l'escalier est pratiquée dans une tour en saillie sur la façade occidentale cette tour est carrée depuis le sol jusqu'à la hauteur de cinq mètres et devient octogone à cette hauteur. Le toit est supporté par des corbeaux ou modillons sans caractère ; la base de la tour est en grès d'appareil des carrières de Sameron ; la partie supérieure est bâtie avec des cordons de briques et des lits de pierre meulière alternés, système de construction à peu près inconnu dans cette partie de la Brie, où la brique, d'un prix élevé, est rarement employée. L'intérieur de ce bâtiment est dépourvu de tout caractère d'architecture.

Sous une grange placée à l'extrémité opposée de la cour, on trouve encore de beaux caveaux d'une construction très-régulière l'un est voûté en berceau ; l'autre, carré, a des voûtes en plein cintre portées au centre par une colonne trapue et sans base, mais pourvue d'un chapiteau dont la corbeille ronde est surmontée, aux angles du tailloir, de crochets en forme de têtes de fantaisie qui remontent évidemment au commencement du XIIIe siècle.

A l'Hôpital, comme dans la plupart des monuments des temps féodaux, la tradition locale assure qu'un conduit souterrain établissait une communication entre l'habitation des Templiers et la place du Marché de Coulommiers. Les gloses ne manquent pas, on le pense bien, mais aucune trace ne vient appuyer la croyance populaire. D'abord, la différence de niveau entre le plateau de l'Hôpital et le sol de la ville est d'au moins 80 mètres ; puis, la distance n'est pas moindre de deux kilomètres ; tout au plus pourrait-on admettre qu'une sortie débouchait dans la campagne aux premières déclivités de la colline ? Toutefois le propriétaire actuel de la ferme m'a affirmé qu'il avait pénétré assez avant dans ce conduit, mais qu'il n'avait pu compléter la reconnaissance, parce que les lumières s'éteignent à certaine profondeur sans qu'on puisse les ranimer. Lors d'une épizootie qui régna dans la ferme, il y a une trentaine d'années, les cadavres des animaux furent jetés en grand nombre dans ce caveau, dont l'orifice fut immédiatement rempli de terre.

Un autre conte, qui ne trouve plus guère de crédules, mais qui peut plaire aux collectionneurs de légendes, fait de ce souterrain le théâtre de drames horripilants. Selon les conteurs des hameaux voisins, la porte de ce passage était de pierre, étroite, et ne s'ouvrait dans l'église que le deuxième dimanche avant Pâques. De grandes indulgences étaient accordées à l'audacieux qui, ce jour-là osait entreprendre le voyage, aller et retour, de l'Hôpital à la ville ; mais il fallait que ce voyage fût accompli pendant la durée de la lecture de l'évangile de la Passion. S'il n'était de retour qu'après l'achèvement du texte saint, la porte de pierre tournait sur ses gonds avec la rapidité de l'éclair, et se refermait irrévocablement sur l'imprudent, qui disparaissait pour toujours.
Sous l'absurde de ce conte, n'y aurait-il pas un souvenir des cruautés, etc., imputées aux Templiers ?

La chapelle de l'Hôpital est construite parallèlement au flanc méridional de l'habitation principale l'abside est tournée vers l'orient d'équinoxe. Cette église présente un élégant spécimen de l'architecture monastique au XIIIe siècle c'est un parallélogramme rectangle de 21 mères, 20 de longueur, de 6 mètres, 72 de largeur, dans œuvre, et élevé sous la voûte de 11 mètres. L'édifice est divisé en quatre travées à peu près égales et éclairé de chaque côté par quatre hautes fenêtres ogivales ; l'abside est carrée et éclairée par trois fenêtres ou triplet ogival (plan V).

Les parties basses des murs et les contreforts, dans toute leur hauteur, sont bâtis en grès, comme sont en cette contrée presque tous les édifices religieux du moyen âge ; les parties élevées sont en pierre meulière avec des chaînes de gresserie et de pierres de taille. La charpente est belle et solide ; au centre, on retrouve les points d'appui d'une flèche détruite après la révolution de 1789.

Les arcs doubleaux et les nervures des voûtes sont composés de deux tores avec arête aiguë (deuxième exemple donné dans les cahiers d'instructions du Comité, édition Gailhabaud, page 36) et retombent sur des consoles ayant des tailloirs à quatre côtés (moitié d'un octogone). Les consoles des quatre angles de la chapelle représentent des têtes humaines ; les autres sont terminées par des feuilles à crochets et des fleurs indigènes. Ces consoles, très-fermement taillées, sont en pierre de Vareddes, près de Meaux.

L'entrée principale de la chapelle, à l'ouest, était précédée d'une salle carrée, avec voûtes d'arête en cintre surbaissé, retombant sur six colonnes et six consoles. La voûte a 3 mètres, 20 de hauteur. Deux chapiteaux intacts et deux autres mutilés existent encore : ils appartiennent au commencement du XIIIe siècle. Une tourelle, contenant un escalier en vis, flanque l'angle nord de cette salle, devenue une étable, et qu'on nomme encore la salle du chapitre.

La chapelle est complétement carrelée en briques du pays ; mais, à 4 mètres environ en avant de l'autel, qui a disparu, se voyaient naguère encore deux pierres tombales d'époques différentes.
L'une représente un chevalier. Prise en échange d'une pierre d'évier, par un tailleur de pierres de Coulommiers, elle fut sciée en deux et réduite à une épaisseur de 0 mètre, 05, et devait être employée à des usages domestiques. Sur mes instances, l'ouvrier voulut bien ne pas la détruire ; mais il exigeait pour cette conservation une somme de trente francs, que le conseil municipal de Coulommiers refusa nettement. J'ai dû l'acquérir et la donner à un de mes amis, M. Hermann-Léon artiste du théâtre impérial de l'Opéra-Comique, qui la conserve précieusement dans sa villa de Batignolles. Cette dalle est très-fruste, couverte d'une croûte dure et raboteuse impossible à enlever.

Le chevalier est inscrit dans une arcade ogivale trilobée ses mains sont jointes sur sa poitrine et ses pieds reposent sur un chien vu de profil. Il est vêtu d'un habit de mailles et d'une cotte longue ; son épée pend au côté gauche de sa ceinture. Sa coiffure mériterait une étude particulière ; il me semble deviner une sorte de calotte ou barrette monacale d'où sortent les cheveux roulés et entourant la nuque. Le champ autour du personnage est semé de huit fleurs de lis, et dans les coins supérieurs de l'ogive sont deux écussons portant une croix. L'inscription entière échappe à mes investigations ; cependant je ne désespère pas de la compléter. On lit seulement :

Texte pierre tombale
Texte pierre tombale

Cette tombe, qui date évidemment du XIIIe siècle, porte les dimensions suivantes longueur, 1 mètre, 85 ; largeur à la tête, 0 mètre, 98 ; largeur aux pieds, 0 mètre 80.

L'autre pierre tombale, longue de 1 mètre, 80, large par le haut de 1, 05 mètre et par le bas de 0,70 mètre ; date du XVe siècle. Une croix fleuronnée avec sa hampe occupe toute sa longueur ; elle est gravée en relief avec une remarquable précision. Sous les bras de la croix se voient deux écussons semblables à ceux signalés sur la dalle précédente ; mais ici les quartiers de l'écu ou cantons portent des lions rampants, je crois. L'inscription, en caractères gothiques, est très lisible, à l'exception de la ligne de la partie inférieure, qui est brisée et fruste :
Cy gist humble religieux en Dieu, frère Simon Hardi comendeur de céans. de Bibertost et du temple de Passi qui lon temps demoura en Rodes et fut soubs prieur de leglise conventual du lieu lequel trespassa lan de grace mil cccc. xx le ... du mois de ... Priez Dieu pour.... trespassez. Nud.. revertar iluc.

Je n'oserais certifier la lecture de ces trois derniers mots. Le nom du mois et le quantième jour de ce mois n'ont jamais été gravés. Bibertost, aujourd'hui Biberleult, dont il est ici question, est une ferme voisine de la commanderie de Maison-Neuve et qui en dépendait. J'espérais sauver cette tombe aussi facilement que la première ; mais un locataire nouveau de la ferme de l'Hôpital a imaginé d'en faire le foyer de la cheminée et de l'ensevelir à moitié sous une cloison.

Bien qu'elle serve de grange à fourrages depuis plus d'un siècle, la chapelle de l'Hôpital est dans un excellent état de conservation. Elle était entièrement peinte, et ce système de décoration, dont il est possible de constater encore l'élégante simplicité et la parfaite harmonie, me semble un excellent modèle à offrir pour la restauration de nos églises rurales du XIIIe siècle. Mieux vaut assurément cette sobriété, en harmonie avec les chétives ressources des fabriques, que les honteux peinturages multicolores infligés de toutes parts aux églises provinciales par les hordes, sans cesse renaissantes, des plâtriers piémontais et lombards.

Toute cette décoration est faite à la détrempe, procédé qui est pourvu d'une suffisante solidité quand il est appliqué dans de bonnes conditions.
Les quartiers des voûtes sont peints en blanc avec des refends de brun rouge (plan V).
Les nervures, à leur extrémité supérieure près de la clef de voûte, sont décorées, sur une largeur de 0, 60 mètre, d'un ruban enroulé ou mirliton (plan VI, figure 1re), rouge et bleu alternés, et bordé d'un filet blanc ; l'arête aiguë entre les deux tores de la nervure est peinte en vert ; la gorge en rouge et la moulure en bleu. A partir de ce ruban jusqu'à la console, l'arête aiguë devient rouge ; il en est de même de l'arête de l'arc doubleau, mais celui-ci n'a pas, de ruban au sommet. J'ai dessiné la console la plus complète (plan VI, figure 2) elle conserve des traces évidentes de coloration en rouge, bleu et jaune. Je n'ai remarqué aucune trace de dorure.

Chapelle de la commanderie de Coulommiers Plan V
Chapelle de la commanderie de Coulommiers Plan VI

Tous les murs verticaux sont décorés de refends. J'ai constaté deux époques (plan V).
La plus ancienne est une sorte de fresque sur un mortier de chaux et de terre à briques qu'on trouve sur le territoire même de l'Hôpital ; elle est d'un ton jaune foncé un peu verdi, avec refends en blanc. Ces refends sont larges de 0,35 mètre et hauts de 0, 13 mètre.
La plus récente est un badigeon de chaux ocrée avec refends en brun rouge. Les refends sont beaucoup plus grands 0,60 mètre sur 0, 24.
Les fenêtres sont bordées d'un large filet de brun rouge, de 0,20 de large, qui forme archivolte et encadrement. L'ébrasement des fenêtres conserve des refends en brun rouge sur fond blanc. Telle est cette ornementation, permise aux plus petites bourses et facile dans les lieux les plus dépourvus d'ouvriers intelligents.
Sources : M. Anatole Dauvergne. Bulletin du Comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France, page 470 et suivantes. Tome II. Paris 1853. BNF

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