Grands Prieurs d'Auvergne de 1245 à 1789
En résumé, des renseignements qui sont venus à notre connaissance et des documents que nous avons pu consulter on peut tirer les conclusions suivantes : le Grand prieuré d'Auvergne a été détaché de celui de Saint-Gilles ou de Provence un peu avant 1245 ; il faut placer son chef-lieu dès le début en Auvergne, à Montbrison, à Ségur, ensuite au Puy en Velay à partir de 1390 ; il fut transféré à Bourganeuf au moins à partir de 1427 et enfin à Lyon en 1750.Il est intéressant pour l'histoire de Bourganeuf de dresser la liste de ces Grands prieurs qui, pendant plusieurs siècles, furent ses seigneurs spirituels et temporels ; mais l'intérêt est plus étendu car ils furent des personnages importants et influents dans la vaste circonscription du Prieuré ; quelques-uns même ont joué un rôle dans les affaires de la France ou de la chrétienté.
Cette liste a été publiée par quelques auteurs ; nous connaissons celles de Niepce (1) et de Tardieu (2), qui s'inspirent l'une de l'autre ; elles ne nous semblent pas complètement exactes ; des documents certains et des références sérieuses nous ont permis de constater en elles plusieurs inexactitudes et même quelques contradictions. Dès le début Niepce place deux noms que nous croyons devoir éliminer : Hugues Arnaudi (1221) que nous trouvons qualifié de maître, magister, de Bourganeuf, mais non de Prieur, et que nous comptons parmi les premiers commandeurs de Bourganeuf, avant l'établissement du Grand prieuré d'Auvergne, et N. de Milly (1219) également antérieur à cette fondation et dont l'existence n'aurait pas échappé au savant auteur du Cartulaire des Hospitaliers, Delaville Le Roulx ; avec lui nous mettons en tête de la liste Bertrand des Barres, comme étant le premier Grand prieur connu. Nous indiquerons dans le corps de la liste d'autres noms qu'il semble difficile d'y maintenir ; par contre, on peut y signaler quelques omissions, comme celle du comte de Lescheraine dont le nom et la qualité sont encore inscrits sur la grosse cloche de Bourganeuf, et des erreurs de date certaines.
1. Le Grand prieuré d'Auvergne, page 272.
– 2. Grand Dictionnaire de la Haute-Marche, article Bourganeuf.
Une autre liste nous a paru plus exacte et mieux appuyée sur les documents ; elle est due à M. Chassaing qui l'a insérée dans son Cartulaire des Hospitaliers du Velay ; malheureusement elle n'est pas complète et s'arrête au XVIe siècle.
Nous n'avons pas, du reste, la prétention de faire une liste définitive ; le travail est difficile et embrouillé, surtout à certaines époques ; au début, par exemple, les auteurs ont souvent confondu la commanderie de Bourganeuf et le Grand prieuré, qui alors étaient distincts et n'avaient pas les mêmes titulaires ; au XVIe siècle les rois eurent la prétention de nommer les Grands prieurs ; l'Ordre ne céda jamais et parfois l'on se trouve en présence d'un titulaire promu par lui et d'un autre désigné par Henri III ou Henri IV. D'un autre côté, l'éloignement des archives n'a pas permis de pousser suffisamment les recherches pour éclaircir toutes les difficultés. Nous avons surtout puisé nos renseignements dans les papiers des notaires de la région, dans les Archives du Rhône ou de la Haute-Vienne et dans les ouvrages, que nous citons. Notre liste pourrait donc être modifiée ou complétée par la lecture de documents dont nous n'avons pas eu connaissance, quand, par exemple, l'inventaire du fonds de Malte aux Archives du Rhône sera publié en entier.
II - Liste des Grands Prieurs
Bertrand des BARRES (1245)D'après les travaux de Delaville Le Roulx, Bertrand des Barres est le premier Grand prieur d'Auvergne dont l'existence soit certaine ; il mourut en 1245, et fut enterré dans l'église de Saint-Jean-des-Près, à Montbrison (1).
1. En général et sauf indication contraire, les dates indiquées sont celles du document où le Grand prieur se trouve signalé, sans préjuger s'il avait cette dignité avant ou après.
ANTENULFUS (1248)
Il mourut le 13 avril 1248, (vieux style), et fut enterré dans la même église (1).
1. Chassaing, opuscule cité.
CATTARD (avant 1261)
« Ce personnage, mentionné dans une bulle d'Urbain IV, du 8 avril 1264, était frère d'Albert de Foresta, chanoine de Thiers. L'acte, qui est la nomination du dit Foresta au canonicat, désigne Cattard comme tunc prior in Alvernia, c'est-à-dire au moment où la cour de Rome fut saisie de la demande de Foresta. La teneur de la bulle faisant allusion à une promesse faite par Alexandre III, (mort en 1261), relative à cette nomination, il n'y a pas lieu de douter que l'affaire n'ait été introduite avant 1261. » (2).
2. Delaville Le Roulx. Cartulaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, page 418.
Robert de MONTROGNON (1262-1277)
D'après Chassaing (3), R. de Montrognon (de Monte rugoso) était Grand prieur le 15 décembre 1262 et serait mort le 2 mars 1276, (vieux style) ; il fut enterré dans l'église de Saint-Jean-de-Ségur, près Montferrand, et son épitaphe est conservée au musée de Clermont. Le château de Montrognon se trouvait près de cette dernière ville et les armes de la famille étaient d'azur à la croix ancrée d'argent.
3. D'après ces renseignements, on ne peut admettre l'existence comme Grands prieurs de Louis de Saulzet, placé par Niepce en 1262, et d'un autre de Montrognon, (Michel), qu'il indique en 1275 après Robert.
– Tardieu dit que deux chevaliers de ce nom et de cette famille auraient pris part aux croisades (1248-1250) ; il s'agit sans doute de ces deux personnages, mais un seul pouvait être Grand prieur en 1275.
Etienne de BROSSE (1278-1281)
Delaville Le Roulx affirme qu'il est mentionné en 1278 ; Chassaing, qui l'appelle Etienne de Broc (de Broco), dit qu'il mourut, le 21 juillet 1281, à l'hôpital de Raissac, près Narbonne, en revenant d'outre-mer, et que son corps fut transporté à Saint-Jean-de-Ségur, le 16 octobre 1284.
Chatard de BULHON (1281-1282)
Il mourut le 18 mai 1282 et fut enterré à Saint-Jean-de-Ségur (1).
1. Chassaing, opuscule cité.
Robert de SALHENS (1284)
Certains auteurs traduisent ce nom par de Saillans, d'autres par de Sallanches. Tardieu le dit Grand prieur au mois d'octobre 1284.
Guillaume AUDEBERT (1288)
Delaville Le Roulx le mentionne sous le nom d'Audibert, et Chassaing sous celui d'Aldebert ; les textes portent Audeberti.
Maurice d'ORNON (1293-1297)
Dans un acte de juillet 1293, conservé aux Archives nationales et cité par Chassaing, on lit : Frater Mauricius de Hernione, prior sancte domus Hospitalis Hierasalem in Alvernia (2). Le même auteur publie une charte du 25 mai 1297, où M. d'Ornon confirme une sentence arbitrale entre Guy de Neuville, évêque du Puy, et Pons de Fay, alors commandeur de Saint-Jean, au Puy ; le Grand prieur, ajoute-t-il, était de la famille d'Ornon, près Legoux (Puy-de-Dôme), qui a donné, aux XIe et XIIe siècles, à la cathédrale de Clermont, plusieurs chanoines inscrits dans l'obituaire de cette église (3).
2. Archives nationales K 4 1113, folio 33.
– 3. Gaufridus, que Niepce place en 1301, était commandeur de Bourganeuf, mais non Grand prieur.
Pons de FAY (1301-1308)
D'après la charte qui vient d'être rappelée, sa nomination ne peut être antérieure à 1297, puisque à cette date il était commandeur de Saint-Jean du Puy et ses actes avaient besoin de l'approbation du Grand prieur précédent. Mais, le 9 juin 1301, nous trouvons une charte dans laquelle Pons de Fay est qualifié de commandeur de Devesset et Grand prieur d'Auvergne ; deux autres, de 1306 et 1307, lui donnent la même qualification (4).
Les armes des de Fay sont : de gueules à la bande d'or, chargée d'une fouine d'argent.
4. Chassaing, opuscule cité, chartes 62, 63 et 67.
Eudes de MONTAIGUT (1312 à 1344)
Eudes de Montaigut est mentionné comme assistant et conseiller du Grand maître Foulques de Villaret, au moment où celui-ci octroya les premières franchises de Bourganeuf (19 avril 1308) (1). D'après Chassaing (2), il fut Grand prieur de 1313 à 1344. C'est pendant qu'il était en fonctions que les maisons des Templiers, se trouvant dans l'étendue du Grand prieuré, lui furent attribuées ; les Archives du Rhône renferment l'analyse d'une « permission du 28 mars 1312, donnée à frère Arthaud Hélie, procureur du frère Audon de Montaigu, Grand prieur d'Auvergne, par le juge royal de Valence, de faire publier les lettres patentes de Philippe, roi de France, touchant les prises de possession des biens des Templiers » (3). D'après ce document, il faudrait faire remonter sa promotion à 1312.
1. Antoine Thomas, Les premières franchises de Bourganeuf.
– 2. Chassaing, opuscule cité, page XII.
– 3. Archives départementale, du Rhône, d'après Niepce, op. cit., page 85.
Un différend étant survenu entre les Hospitaliers et l'archevêque de Vienne qui prétendait leur faire payer certains impôts, contrairement à leurs privilèges, E. de Montaigut avait réclamé auprès du pape Jean XXII qui lui donna raison et reconnut l'abus de pouvoir de l'archevêque : dans la bulle du pape, du 10 février 1323, il est ainsi désigné : Oddo de Monteacuto, prior generalis Hospitalis Sancti Johannis Jerosolimitani in prioratu Alvernie.
En 1325, il va à Avignon avec le lieutenant général de l'Ordre pour exposer au même pape les dangers que faisaient courir à Rhodes et aux Etats chrétiens d'Orient les préparatifs des Turcs ; le pape les envoya au roi de France pour le convaincre de la nécessité d'une intervention ; leurs avertissements restèrent sans effet (4). 4. Delaville Le Roulx.
Ces quelques détails de la vie d'Eudes de Montaigut montrent que non seulement il eut à s'occuper de son prieuré, mais que de plus il joua un rôle dans les affaires de son Ordre et même de la chrétienté ; il fut donc un personnage en vue de son temps.
Renaud de FAY (1347-1351)
Le 8 septembre 1347, R. de Fay (Raynalldus de Fayno) préside aux excuses publiques faites dans la commanderie de Saint-Jean du Puy, aux consuls de la ville par le chevalier Robert de la Bauche, en réparation des injures et voies de fait dont il s'était rendu coupable envers les habitants. Le 8 novembre 1351, il réduit certaines prestations en grains.
Il était mort le 12 avril 1356, car à cette date intervient un accord sur les sommes dues à défunt R. de Fay (1).
1. Chassaing, op. cit., Chartes 90, 91 et 94.
Robert de CHASLUS (1353-1360)
En 1355, il présida, avec le Grand prieur de France, une assemblée des Hospitaliers, convoqués à Avignon par Innocent VI, pour faire revenir l'Ordre aux anciennes prescriptions de la règle, tombées en désuétude ; cette assemblée assura le service divin dans les églises et chapelles de l'Ordre ; elle réorganisa le fonctionnement des aumônes et des services hospitaliers (2).
Robert de Chaslus était lieutenant du Grand maître en deçà de la mer.
2. Delaville Le Roulx. – Nous omettons quelques noms avec Niepce et Tardieu parce qu'ils ne figurent dans aucun document connu et que les dates indiquées ne peuvent pas concorder avec celles dont on est certain ; ainsi Frédéric de Fougerolles ne pouvait pas être Grand prieur en 1340, puisque la place était alors occupée par E. de Montaigut ; de même Robert de Salhens en 1355 ; ce dernier était seulement commandeur de Bourganeuf.
Astorg de DIENNE (1365)
Il était commandeur de Blaudeix.
Guy de la TOUR (1367-1369)
De la Tour était Maréchal de l'Ordre au moins depuis le 1er octobre 1364 et figure encore en cette qualité dans un acte du 15 octobre 1365 ; comme Maréchal et en cette même année 1365, il convoqua à Carpentras une assemblée de chevaliers pour trouver l'argent nécessaire à la croisade.
Il fut nommé ensuite Prieur d'Auvergne, comme l'attestent des actes du 25 février 1367 et du 17 avril 1369. Ces documents le disent aussi commandeur de Bourganeuf ; il est le premier qui ait cumulé les deux dignités ; peut-on en conclure qu'il faut faire remonter à cette époque le transfert du chef-lieu à Bourganeuf ?
Robert de CHATEAUNEUF (1373-1391)
Rotbertus de Castronovo était commandeur de Lormeteau en 1351 ; en 1380 il est qualifié de commandeur de Devesset et un peu plus tard de commandeur de Saint-Jean du Puy ; en septembre 1373, il était déjà Grand prieur. D'après Delaville Le Roulx, il aurait occupé ce poste jusqu'à sa mort survenue le 31 mai 1401.
En novembre 1375, il prit part à l'assemblée des dignitaires de l'Ordre, réunis à Avignon par Grégoire XI ; cette assemblée décida d'envoyer en Orient, au printemps de 1377, un secours de 500 chevaliers et 500 écuyers pour défendre la péninsule balkanique contre les Turcs ; 24 chevaliers de la province d'Auvergne furent désignés.
R. de Châteauneuf se rendit aussi au chapitre général de 1379.
A la mort du Grand maître Hérédia mars 1396), il prit la direction de l'Ordre en attendant l'élection du nouveau titulaire et remplit ces fonctions intérimaires au moins jusqu'au 9 mars 1397. Depuis 1381 il était déjà lieutenant du Grand maître en Occident (1).
1. Delaville Le Roulx.
Renaud de FAY (1391)
Les Archives du Rhône (2) conservent une donation faite à frère Renaud de Fay, Grand prieur, le 4 juin 1391, par Etienne de Loubertey, commandeur, du droit qu'il avait sur « le puy ou montaigne appelé de Salinis » ; cet acte est en contradiction avec l'affirmation de Delaville Le Roulx sur la durée des fonctions de R. de Châteauneuf jusqu'en 1401 ; nous serions portés à croire que celui-ci se serait démis de sa charge pour mieux remplir celle de lieutenant général ; dans tous les cas, nous ne pouvons pas omettre le nom de R. de Fay qui est ainsi fixé dans un document authentique.
2. Inventaire des titres et papiers de Bourganeuf, chapitre I, n° 2.
Jean de PENNEVÈRE (1401-1402)
Ce personnage ne se trouve pas dans les listes de Niepce et Tardieu ; cependant Delaville Le Roulx, citant Chassaing, dit formellement qu'il fut nommé après le décès de R. de Châteauneuf. Cet auteur écrit encore qu'il accompagna le Grand maître de Naillac, appelé à Rhodes après sa promotion (1390) ; à cette époque J. de Pennevère était commandeur de Jussy, Pauliat et la Croix de Mazeirac (1).
1. Nous omettons ici plusieurs noms des listes Niepce et Tardieu : Simon de Rochechouart, Pierre de Culan, Luce de Valence, Jacques Luet, Hugues de Chapelle ; nous n'avons trouvé ces personnages signalés comme Grands Prieurs dans aucun document et les dates assignées ne semblent pas pouvoir se concilier avec les indications précises de Delaville Le Roulx et Chassaing.
Simon de Rochechouart est qualifié de commandeur de Bourganeuf dans Plusieurs actes, ce qui a pu donner lieu à confusion ; de même pour la dignité de Maréchal, dont jouissait Pierre de Culant, et qui était souvent unie a celle de Grand prieur d'Auvergne.
Jacques TIREL (1402-1426)
C'est le nom donné par Delaville Le Roulx ; Tardieu dit : Turel, et Niepce : Tavel.
Il fut nommé commandeur de Paulhac le 28 septembre 1399 et promu au Grand prieuré le 1er septembre 1402, à charge d'acquitter au Trésor de l'Ordre une responsion annuelle de 7.000 florins ; on lui assigna comme chambres prieurales Vizille, Lyon, Le Puy et Morterolles. Il mourut entre le 10 juin 1426, date du dernier acte dans lequel il figure, et le 8 septembre 1427, date de la nomination de son successeur, Jean de Lastic (2).
2. Delaville Le Roulx.
Jean de LASTIC (1427 à 1437)
Dans un acte conservé aux Archives de la Haute-Vienne (D 679) et daté de 1408, Jean de Lastic est qualifié de preceptor de Burgo novo ; comme nous venons de le dire, il fut promu Grand prieur le 8 septembre 1427. Pendant son séjour à Bourganeuf, il fit construire la grosse tour qui porte encore son nom, puis ajouta à l'église la chapelle de Saint-Jean ; ses armes, qui sont de gueules à la fasce d'argent, se voient encore au-dessus du cintre. Il cumula les deux dignités de Grand prieur et de commandeur de Bourganeuf et sous son gouvernement, cette ville devint définitivement chef-lieu du Prieuré.
Il fut élu grand Maître de l'Ordre le 6 novembre 1437 ; il n'assistait pas au chapitre qui le nomma (1).
1. Sommaire des Privilèges de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, par le commandeur Anne de Nabérat, à la suite de la traduction de l'Histoire de Malte, par Bosio (Paris, s. d).
En août 1444, le Soudan d'Egypte mit le siège devant Rhodes avec 18.000 combattants ; Jean de Lastic le repoussa et lui fit lever le siège au bout de 40 jours.
Le 20 juillet 1441, il avait obtenu de Charles VII, roi de France, l'exemption pour son Ordre de toutes contributions des aides, tailles, subsides et autres impôts du royaume, en considération des services que les chevaliers rendaient à la cause de la chrétienté.
Jean de Lastic fut un grand bâtisseur ; il fit commencer, vers 1440, la construction du grand hôpital qu'on admire encore aujourd'hui à Rhodes et qui fut terminé par ses successeurs en 1473. Une de ses portes fut donnée, en 1836, à Louis-Philippe par le sultan Mahmoud et se trouve à Versailles dans la grande salle des Croisades.
Il mourut à Rhodes le 19 mai 1454. Il était né, en 1371, de Jean Bompar VI, sire de Lastic, et de dame Héloïse de Montcelleg ; les de Lastic sont une des plus illustres familles de l'Auvergne.
Louis de SAINT-SÉBASTIEN (1440)
Jacques CORELLY (avant 1445)
Jacques de MILLY (1445-1454)
Nous n'avons pu trouver aucun détail ni aucun document sur les deux Prieurs, placés par les listes de Niepce et Tardieu entre Jean de Lastic et Jacques de Milly ; Tardieu est en contradiction avec lui-même en donnant à Gorelly 1447 comme date, alors qu'il fait commencer les fonctions de Jacques de Milly en 1446. En réalité, les Archives du Rhône nous permettent de faire remonter sa nomination au moins à l'année précédente : elles possèdent, en effet, une pièce du 25 octobre 1445 où Jacques de Milly, est dit, Grand prieur d'Auvergne. (1. H 47).
C'est lui qui octroya à Bourganeuf sa charte de franchises et permit l'organisation de la commune ; cette charte, datée du mois de mai 1449, fut approuvée par le roi Charles VII ; elle a été publiée par Duval.
(2. Chartes et franchises de la Creuse.)
Il fut élu Grand maître, absent de Rhodes, le 1er juin 1454.
Pendant son magistère le pape Pie II adoucit les rigueurs de la règle à cause des occupations de la guerre et dispensa les chevaliers de jeûner tous les jours de l'Avent et du Carême, de ne pas boire après souper ; il supprima l'abstinence du mercredi, le silence à table et au lit, l'obligation de se coucher sans lumière, etc.
Il obtint des papes et des rois de nombreux privilèges pour son Ordre.
Il mourut le 17 août 1454. Bourganeuf a donné son nom à Une rue. Ses armes sont de gueules au chef denché d'argent.
Aymard du PUY (1457-1464)
Il est cité dans une charte publiée par Chassaing ; il y est question de quedam domus que pertinet ad magnificum, nobilem et potentem virum dominum Aymaricum de Podio, Magnum priorem Arvernie (3. Charte 110 dans le Cartulaire cité.)
Les Archives de la Haute-Vienne (4) conservent un procès du 5 septembre 1457 entre l'abbaye de Saint-Martial de Limoges et Aymard du Puy, Grand prieur d'Auvergne et seigneur de Bourganeuf.
4. Série H, n° provisoire 6.832
Jean COTTET (1470-1474)
Le Père Bouhours (1) dit de Pierre d'Aubusson qu'il avait succéda comme Grand prieur au chevalier Cottet ; Vertot affirme de même que « le commandeur d'Aubusson, devenu Grand prieur par la mort du chevalier Cottet » continua à surveiller les ouvrages de la fortification de Rhodes (2).
1. Histoire de Pierre d'Aubusson (1676).
2. Histoire des Chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.
En 1446, Jean Cottet était commandeur de Paulhac ; cette année-là, il fit agrandir de deux chapelles le monument qui existait déjà à Sauvagnat (Haute-Vienne) ; la porte d'une de ces chapelles, qui existent encore, est surmontée d'un écusson entre deux branches de laurier, aux armes du commandeur Cottet qui sont trois lions rampants, avec le chef de Malte.
Chassaing dit aussi qu'il fut commandeur de Marlhettes (commune de Marlhes, Loire) ; il fut Grand prieur en 1470.
Les Cottet étaient une famille noble du Limousin qui a possédé les seigneuries de-Laron (commune de Saint-Julien-le-Petit), et de Biars (commune de Saint-Yrieix) (3). 3. Nadaud, Nobiliaire du Limousin.
Niepce indique ici Jean Custe, 1450, Jean Cottet, 1450, Jean Cochotte, 1451 ; ces trois noms nous semblent être trois traductions différentes du latin Cotetus, employé dans différents documents, et désigner un même personnage de plus, en trouvant dans sa liste, avec la date de 1450, Jean Custe, Aymard du Puy et Jean Cotet, on ne peut s'empêcher de remarquer que cela fait trois titulaires pour une même année, ce qui est beaucoup.
Pierre d'AUBUSSON (1475-1476)
Pierre d'Aubusson est une des grandes figures de l'Ordre de Saint-Jean.
Il naquit en 1423, au château du Monteil-au-Vicomte, de Renaud d'Aubusson et de Marguerite de Comborn.
Son histoire a été écrite par le Père Bouhours ; elle appartient à l'histoire générale et nous n'avons qu'à la résumer en signalant quelques détails concernant Bourganeuf. Vers 1440, il fut présenté à la cour de France par son parent, Jean d'Aubusson, seigneur de La Borne, chambellan de Charles VII ; honoré de l'amitié du Dauphin, il l'accompagna à l'armée. En 1445, il se rendit à Rhodes et sollicita son admission dans l'Ordre des Hospitaliers. Chevalier, il fit la chasse aux pirates turcs qui infestaient la Méditerranée, même pendant les moments de trêve. Mahomet II s'étant emparé de Constantinople, Pierre d'Aubusson fut député vers Charles VII pour demander des subsides pour la défense de Rhodes, qui s'efforçait d'arrêter ou de retarder la marche du Croissant vers l'Occident ; il en reçut 16.000 écus d'or qui furent consacrés à l'achat d'armes et de munitions.
Nous ne connaissons pas la date exacte de son élévation au Grand prieuré ; le commandeur de Nabérat en racontant son élection de Grand maître dit seulement de lui : « ci-devant Grand prieur d'Auvergne et capitaine de la ville de Rhodes »
Nous pensons qu'on peut la fixer aux derniers mois de 1474 ou aux premiers de 1475. Il conserva, du reste, cette charge peu de temps ; mais il a laissé des traces de son passage ; il fit refaire la voûte du chœur de l'église dans le style du XVe siècle et percer la grande fenêtre du chevet.
Il fut nommé Grand maître, le 17 juin 1476, à l'unanimité des membres du Conseil et à la grande satisfaction des chevaliers et des habitants de l'Ile de Rhodes. Immédiatement il se mit à compléter l'œuvre de défense entreprise par son prédécesseur et à laquelle il avait collaboré ; en particulier, il fit forger une énorme chaîne pour barrer l'entrée du port, il remplit de vivres et de munitions les arsenaux et les magasins ; enfin il convoqua les membres de l'Ordre, chacun avec un équipage de guerre, conforme à son grade et à ses ressources. Ces mesures lui permirent de soutenir victorieusement le fameux siège de 1480 contre le vainqueur de Constantinople. Voici comment Nabérat raconte le fait : « Ledit Grand maître fit lever le siège devant Rhodes, après avoir soutenu l'espace de trois mois l'armée impériale de Mahomet II, empereur de Constantinople, arrivée à Rhodes le 24 may 1480, composée de cent soixante voiles et cent mil combattants, la ville battue par 16 gros canons de 22 pieds de longueur chacun, desquels fut tiré contre les murailles de ladite ville 3.500 coups des dits canons, sans compter un nombre infiny d'autres plus petites pièces de batterie, et en plusieurs assauts fut tué neuf mil Turcs et 15 mil de blessez, et le dit Grand maître même grandement blessé èsdits assauts. »
« Antoine d'Aubusson, seigneur de Montel le Vicomte, en la Marche, frère dudit Grand maître, vint au secours, fut esleu capitaine général de l'armée desdits assiégez, mourut à Rhodes et ledit Grand maître fit porter son corps de Rhodes en France, le fit inhumer en son église du dit Montel-le-Vicomte et fit une très belle fondation en icelle » (1).
1. Les Privilèges de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Le 30 juillet 1482, Pierre d'Aubusson fit, à Rhodes, une réception magnifique au prince Zizim, fils de Mahomet II, qui, poursuivi par son frère Bajazet, avait été obligé de se réfugier dans le port. Plus tard il le fit conduire en France par son neveu, Guy de Blanchefort. Celui-ci fit construire pour le recevoir la tour appelée aujourd'hui encore tour de Zizim.
Pour reconnaître les services qu'il avait rendus à la chrétienté, le pape Innocent VIII nomma cardinal Pierre d'Aubusson, le 9 mars 1488 (2), quoiqu'il ne fût pas prêtre, et en fit son légat général en Orient.
2. Idem D'autres auteurs disent 1489.
Le 5 décembre 1501, le Grand maître envoya au pape un député pour l'inviter à faire une nouvelle croisade contre les Turcs ; mais l'entreprise n'eut pas lieu.
Pendant son séjour à Rhodes il n'oublia pas son pays d'origine et continua à s'occuper des intérêts religieux de Bourganeuf ; nous en avons la preuve dans les deux faits suivants: par acte donné à Pontarion en mars 1492, Jean Jordan, « conseiller et maistre des requestes de l'Hostel du Roy », exemptait « du paiement des francs fiefs et nouveaux acquets » les curés du Grand prieuré d'Auvergne, « en vertu des privilèges et lettres patentes du roy Charles VIII, du 23 mai 1491, octroyez en contemplation des mérites dudit cardinal d'Aubusson, Grand maistre de Rhodes, et de Guy de Blanchefort, Grand prieur d'Auvergne » (3).
3. Idem D'autres auteurs disent 1489.
Le second fait est rapporté dans les statuts de la communauté des prêtres de Bourganeuf ; il y est dit que Pierre d'Aubusson avait lait diverses donations en leur faveur, avec charge de services religieux, en particulier « par bulles plombées, données à Rhodes », l'une le 6 avril 1479, l'autre le 4 août 1490 (1).
1. Ces statuts se trouvent aux Archives départementales, du Rhône ; ils ont été publiés par Vayssière.
Pierre d'Aubusson mourut le 3 juillet 1503, plein de gloire et de mérites ; il fut aussi remarquable par sa piété à l'égard de Dieu, sa charité pour les pauvres et sa bonté pour les chevaliers, que par sa grande intelligence et sa valeur militaire.
Son souvenir est rappelé dans la région par un beau vitrail de l'église d'Aubusson, représentant le siège de Rhodes et placé par les soins de M. Labrune, archiprêtre, et par son buste en bronze, érigé sur une place de Vallières, le 5 avril 1868.
Ses armes sont : D'or à la croix ancrée de gueules.
Eynard du PUY (1479)
D'après Chassaing et Tardieu ; Niepce l'omet.
Guillaume de CHALUS (1480-1481) Guy de BLANCHEFORT (1483-1512)
Guy appartenait à l'illustre maison de Blanchefort, en Bas-Limousin. Il était fils de Guy de Blanchefort, chambellan du roi Charles VII ; par sa mère, Souveraine d'Aubusson, épousée en 1440, il était le neveu du Grand maître, Pierre d'Aubusson. Il naquit au château de Boislamy, paroisse de Moutier-Malcard.
En 1500, nous le trouvons qualifié de Grand prieur, seigneur commandeur de Bourganeuf, Maisonnisses, Sainte-Anne et Morterolles (2) ; mais les auteurs font remonter sa nomination au Grand prieuré en 1483 (3). Son oncle avait dû l'attirer à Rhodes et il est probable qu'il prit part aux combats contre les Turcs ; il s'y trouvait certainement en 1482, puisque le 1er septembre de cette année, il en partait avec le prince Zizim dont la garde lui avait été confiée ; il avait l'autorisation de prendre autant de chevaliers qu'il le croirait nécessaire et ceux-ci devaient lui obéir aveuglément.
2. Archives du Rhône, H 46.
– 3. Chassaing et Tardieu. L'inscription ci-dessous prouve qu'il était Grand prieur en 1484. Niepce dit seulement 1496.
Quand Zizim fut arrivé en France et pendant qu'il était conduit de château en château, Guy de Blanchefort, sur l'ordre de son oncle, le Grand maître, fit construire pour recevoir le prince turc, la grosse tour qui reste un des ornements de Bourganeuf. Pour en conserver le souvenir et rappeler la date de cette construction, il plaça une inscription dans l'église de Bourganeuf ; elle était en cuivre, fixée au-dessus de la porte du chœur et ainsi conçue :
« En l'an mil CCCC LXXX IIII fut Fete la grosse tour de Bourgue Neuf et tous le batiment les Verrines de cette eglise le treillon de fer et fondées une messe chûn jour vespres et complies aux pres de la communauté de la dicte eglise par Reverend Religieux frère Guy de Blanchefort grant prieur d'Auvergne commandeur de Chypre, de Bourgueneuf, de Moriols, seneschal de Rhodes et neveu de très reverend et mon très doupté seigneur monseigneur frère Pierre d'Aubusson très digne grand maistre de Rhodes de l'ordre saint Jehan de Jhérusalem (1). »
1. D'après le Nobiliaire de Nadaud et les Inscriptions du Limousin de l'abbé Texier.
En tête se trouvaient les armes de G. de Blanchefort : d'or à deux lions léopardés de gueules, posés l'lin sur l'autre, avec la croix des Hospitaliers en tête. Le 8 mai 1506, dans la salle haute du château de Bourganeuf, le Grand prieur élabora avec le curé et les prêtres de la communauté, qui existait déjà, le règlement qui devait être observé par eux et à cette occasion il augmenta les fondations faites par son oncle.
Il fut nommé Grand maître le 22 novembre 1512 ; mais il mourut un an après, sur le vaisseau appelé la Grande Carraque de Rhodes, en allant prendre possession de son poste (1).
1. Commandeur de Nabérat, Les Privilèges de l'Ordre.
Jean DADEU (1515-1517)
Dans un acte de vente d'une maison sise à Bourganeuf, daté du 3 décembre 1515, il est parlé de « discrète personne frère Jehan Dumont, procureur du révérend Seigneur, le Grand prieur d'Auvergne, frère Jehan Dadeu (2), commandeur entre ses autres commanderies, de Bourganeuf. »
2. Nous éliminons le nom de André Rolland, placé par Niepce et Tardieu en 1498, puisque, à cette date, le poste était occupé par Guy de Blanchefort. Chassaing omet également ce nom sur sa liste. De plus nous n'avons découvert aucun document le concernant.
Gabriel du CHIER (1531-1540)
En 1531, il avait pour vicaire général Symphorien de La Roche-Aymon, commandeur de Chamberaud. Dans les Archives de la Haute-Vienne il est dit commandeur de Bourganeuf, Reilhac et Meilhaguet et, en 1533, Grand prieur d'Auvergne (3).
Le 27 mai 1531, il nomme le curé de Bourganeuf, Duret de Chazelle.
3. Archives de la Haute-Vienne, G 38.
Aymery des REAULX (1542-1547)
Il est signalé comme Grand prieur en 1542, par un document des Archives du Rhône (4. H 2 (inventaire). Un vieil historien de l'Ordre dit que, un peu plus tard, vers 1546, le Grand maître, Jean d'Omédée, espagnol, âgé et décrépit, fit son lieutenant Emery des Reaux, prieur d'Auvergne, nouvellement venu à Malte, « homme de grande prudence et expérience et de belle réputation. » L'année suivante, toujours d'après le même historien, il se fit élire l'un des Procureurs du Trésor ; « par ce moyen, luy qui étoit Français, gouvernoit tout soubs un Grand maistre Espagnol, le Grand maistre jugeant ainsi à propos pour le respect des langues Françaises » (1). Chargé des galères, il mourut de chagrin (1547) d'avoir échoué dans une mission qui lui avait été confiée. Les Archives départementales de la Creuse possèdent un terrier rédigé en 1543 à la requête d'Aimery des Réaux.
1. Histoire de l'Ordre, par le Sieur de Boissat, n° 376.
Le Château de Bourganeuf
D'après la lithographie de P. Langlade, dans l'Album historique et pittoresque de la Creuse (1847). BNF
Humbert de MURINAIS (1547-1555)
Jean L'EVESQUE LA CASSIÈRE (avant 1572)
J. L'Evesque La Cassière, originaire de l'Auvergne, était Maréchal et Grand prieur, lorsque, le 30 janvier 1572, il fut élu Grand maître. Quelques années après, il fut suspendu du magistère par le Grand conseil de l'Ordre à la suite d'accusations portées contre l'intégrité de sa foi ; on nomma lieutenant son principal accusateur, Maurice de l'Escu, surnommé Romegas. L'affaire fut portée devant le pape ; mais elle se termina de façon tragique : Romegas mourut à Rome au mois de décembre 1580, La Cassière quelques jours après, en janvier 1581, de plus le vaisseau qui portait de Malte les juges délégués, les notaires avec les dossiers, les témoins, fit naufrage et tous périrent (1).
1. Les Privilèges de l'Ordre, par le commandeur de Nabérat.
Ce Grand maître avait fait construire de ses deniers l'église Saint-Jean-Baptiste à Malte, avec une crypte pour l'inhumation des Grands maîtres ; on lui doit aussi le palais, la châtellenie et l'infirmerie. Dans l'Ordre on a toujours cru à la fausseté des accusations portées contre lui par des chevaliers mécontents ; le pape lui fit faire une épitaphe élogieuse, conservée par Vertot (2), où on lit « calumniis spectata ac probata integritas etiam enituit... »
2. Histoire des Chevaliers..., tome V.
Louis de LASTIC (1572-1576)
Louis de Lastic, qui était originaire de la même province que La Cassière, lui succéda quand celui-ci fut devenu Grand maître. Dans une enquête faite en 1597 (3) pour faire constater les dégâts causés au château pendant les guerres civiles, un témoin dit que Louis de Lastic habitait ce château une grande partie de l'année avec sa suite ; il ajoute que son train de maison était considérable et que le château était fort bien entretenu.
3. D'après une copie de M. Champeval sur l'original conservé dans l'étude de Me Berger, notaire à Bourganeuf.
Parmi les nominations faites par lui nous trouvons celle de Jacques Mirebeau, marchand de Felletin, comme receveur « des deniers imposez et à imposer par le roy » ; celui-ci donne pour caution Jean Grancher, son beau-frère, « garde des sceaux au pays et comté de la Haute-Marche » (21 février 1575).
En 1581 eut lieu une saisie sur les biens de Jean Grancher à la requête du Grand prieur, Claude de Montmorillon ; mais Grancher à son tour fait constater des sommes à lui dues par deux commandeurs, et, le 27 juillet 1592, donne procuration pour poursuivre le Maréchal Antoine de Villars (1). Nous ne savons comment se termina l'affaire.
Louis de Lastic mourut à Rochegonde le 12 août 1576.
1. Archives du Rhône, H 246 et suivants.
Louis de LA CHAMBRE (1577-1590)
D'après l'enquête dont nous venons de parler ci-dessus il n'y aurait pas eu d'intervalle entre Louis de Lastic et Louis de La Chambre, par conséquent on ne pourrait y insérer Louis de Vilars, un autre Aimery des Reaulx et Charles de Valois, que nous trouvons entre eux dans la liste de Tardieu, sans que, du reste, aucun document vienne à notre connaissance les signaler comme Grands prieurs.
N'oublions pas que nous sommes à une époque troublée et que la guerre civile sévissait alors dans notre région ; les Chevaliers ne semblent pas s'être engagés à fond dans la lutte ; le but de leur institution était bien de combattre pour la foi, mais surtout contre le Turc, contre l'infidèle. Leurs châteaux et leurs possessions ne furent pas épargnés pour cela.
Un autre fait vient expliquer l'obscurité de la chronologie à cette époque ; nous l'avons signalé dans les notes du début : le Conseil d'Henri III avait rendu un arrêt qui autorisait le roi à nommer les Grands prieurs d'Auvergne (2) ; Henri IV en profita et pourvut de cette dignité plusieurs personnages (3) : l'Ordre maintenait son droit et désignait de son côté d'autres titulaires, de sorte que le titre pouvait être porté par plusieurs à la fois.
2. Histoire des Chevaliers, par Vertot.
3. Histoire des Chevaliers, par Vertot.
Cest à cette prétention royale d'Henri III que Louis de La Chambre dut sa promotion, comme le montre le document cité à l'article suivant et concernant le Grand prieur nommé par l'Ordre.
Toujours d'après l'enquête citée plus haut, Louis de La Chambre prit possession en 1577 ; les Protestants étaient dans la région et le château était menacé par eux ; le Grand prieur ne paraît pas avoir montré un courage héroïque à ce moment ; il confia la garde de son château au capitaine, nommé Bazille, et à quelques soldats ; Bazille fut tué deux ans après, et c'est alors que François et Guy Brachet de Pérusse s'établirent au château pour le défendre. Nous ne savons pas où était pendant ce temps le Grand prieur. Mais il jouissait encore de sa charge en 1590, car nous possédons un acte du 17 janvier de cette année par lequel il en afferme les revenus à François Trompaudon. Dans cette pièce il est qualifié de « cardinal abbé de Vendosme. »
Etienne de FRAIGNES (1579)
Pendant que Louis de La Chambre était Grand prieur de par le roi et percevait les revenus attachés à ce titre, Etienne de Fraignes, nommé par les supérieurs de l'Ordre, était inquiété dans la jouissance même des bénéfices qu'il possédait avant sa nomination ; Marc de La Goutte, bailli de Devesset, lui réclamait les revenus de Châteauroux, membre de la commanderie de Lormetaux ; sa réponse jette quelques rayons de lumière sur la situation embrouillée de cette époque « lequel seigneur Grand prieur a respondu qu'il ne pouvoit se dessaisir dudit membre ne aultres biens qu'il possedoit de sa religion, d'aultant qu'il n'estoit jouyssant dudit prieuré et y estant inquiété et empesché, comme chascun sçait, pour le don qu'en a fait le roi à monsieur de La Chambre. A ce respond M. le bailly. que si aulcung trouble luy est donné, c'est à faulte de n'y avoir mis ordre pour empescher la surprinse qui lui a esté faicte de Bourganeuf et Bellechassaigne, et que le canon ny aultres forces ne se sont présentez pour forcer ledit Bourganeuf et Bellechassaigne ; mesmes despuis que monseigneur frère du roy (1) estant audict Bourganeuf avec ses forces, consentit et ordonna que ledit Bourganeuf fust reprins et remis entre mains dudit sr Grand prieur qui le debvoit mieux garder qu'auparavant, ce qu'il n'a fait, et est de sa l'aulte et coulpe s'il n'en a la jouyssance... »
1. Le duc d'Alençon, frère d'Henri III, était à Bourganeuf en juillet 1577 ; il se rendait d'Auvergne à Limoges.
Nous trouvons cette réponse dans le procès-verbal de la réclamation, daté de Saint-Pourçain du 2 juin 1579 (1) ; l'allusion au passage du duc d'Alençon à Bourganeuf, qui eut lieu en 1577, nous fait supposer que Etienne de Fraignes fut nommé cette année-là par l'Ordre en même temps que son compétiteur l'était par le roi. Nous n'avons pas d'autres renseignements sur lui ; mais il n'est pas possible, d'après ce document, de le placer en 1532, comme le font Niepce et Tardieu.
1. Archives du Rhône, H 255.
Antoine de VILLARS (1580)
Il fut nommé régulièrement par l'Ordre, et dans son Histoire, Vertot (2) le cite parmi les dignitaires envoyés au pape en 1580 par le Grand maître Jean de La Cassière, à la suite de ses démêlés avec les Chevaliers.
2. Histoire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome V.
Baron de BELLEGARDE (1594)
Le même historien nous apprend que pendant les guerres civiles, Henri IV « disposa du Grand prieuré d'Auvergne en faveur du baron de Bellegarde, quoique séculier » (3).
Nous n'avons aucun détail sur l'usage qu'il fit de cette dignité. Nous ne trouvons également aucun renseignement sur plusieurs personnages que Niepce et Tardieu placent dans cette époque troublée : Charles de Valois, Imbert de Mourinan et Aymard de Clermont ; ils ne semblent pas être venus à Bourganeuf, du moins aucun acte accompli par eux n'est venu à notre connaissance.
3. Histoire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome V.
Claude de MONTMORILLON (1582-1609)
Il n'en est pas de même de Claude de Montmorillon à qui incomba la lourde tâche de remettre de l'ordre dans les affaires du Grand prieuré et de relever les ruines faites par la guerre ; nous trouvons son nom et sa signature dans différents actes passés à Bourganeuf. Nous croyons qu'il fut donné par ses supérieurs comme successeur à Antoine de Villars ; une note de M. Champeval le signale comme Grand prieur en 1582 (1) ; peut-être ne put-il pas prendre possession de son poste immédiatement, comme son prédécesseur, Etienne de Fraignes ; mais il était très certainement à Bourganeuf le 21 novembre 1596 ; je possède le vidimus notarié d'un décret rendu par lui à cette date pour déterminer exactement les mesures officielles qui devaient servir dans les transactions et aussi pour le paiement des rentes seigneuriales. De même, le 9 mars 1598, il est dit « de présent demeurant à Bourganeuf » dans un acte « fait au château du dit constituant (2). »
1. Champeval ne donne pas de référence ; mais ses informations étaient toujours sûres.
2. Acte signé Maucourant, notaire, dans l'étude de Me Berger, d'après les notes de Champeval.
Le 9 juillet 1599, il fait donation à Pierre Donmy, sieur de Mansat, et Jehan Doumy, juge sénéchal de Bourganeuf, d'un jardin, en considération des services qu'ils avaient rendus à l'Ordre ; dans cet acte, signé également au château, il est qualifié de « capitaine de 50 hommes d'armes » (3).
3. Notes Champeval.
Le 30 novembre 1609, il fait dresser le terrier de la commanderie par Joseph Chastenet et Jean Ladrac, notaires, « les titres ayant été perdus et le château pris et repris pendant les troubles précédents (4) »
4. Notes Champeval.
Pierre de SACCONAY (1610-1619)
D'après Vertot, Sacconay était Grand maréchal de l'Ordre en 1587. Il fut ensuite commandeur de Compessières, où il habita jusqu'en 1601, époque où il fut fait prisonnier par les calvinistes de Genève qui le conduisirent dans cette ville ; il y resta jusqu'à ce qu'il eût payé rançon. Ces détails se trouvent dans la production qu'il fit des titres de la dite commanderie de Compessières, le 10 mai 1611 ; il était alors Grand prieur (1). Il mourut à Sacconay en décembre 1619, d'après les Archives du Rhône (2).
1. Archives du Rhône, H 280.
2. Archives du Rhône, H 262. Les Archives de la Creuse possèdent un terrier de Bourganeuf rédigé en 1619.
Louis de SAULZET D'ESTIGNIÈRES (1622-1639)
Les listes de Niepce et de Tardieu indiquent ici trois autres Grands prieurs : N. de la Liège (1614), Othon de Montaigu (1617) et César-Auguste de Bellegarde (1625) ; nous n'avons trouvé aucune trace de ces personnages: étaient-ils nommés par le roi ? Nous l'ignorons. Mais des documents certains, émanant de l'Ordre, ne permettent pas de les placer entre Pierre de Sacconay, mort en décembre 1619 et Louis de Saulzet, nommé au Grand prieuré, vacant par ce décès, et immédiatement après, par le Grand maître de Vignacourt ; la bulle est du 24 décembre 1622.
En juin 1622, d'après une note insérée dans les registres de catholicité conservés à la mairie, il convoqua au château les prêtres de la communauté, les consuls et les principaux habitants pour demander leur avis sur la nomination d'un curé ; à la suite de cette consultation, il donna, le 22 juillet 1622, ses lettres de provision à l'abbé Antoine Borde. Le 1er juin 1638, il nomme aussi un titulaire à la cure de Saint-Jean-de-Boismoraud (3), aujourd'hui Bosmoreau-les-Mines. Il écrit de Bourganeuf en 1637 et il y meurt le 3 janvier 1639 (4).
3. Archives du Rhône H 114.
4. Archives du Rhône H 272.
Just de FAY-GERLANDE (1627-1631)
Les listes à cette époque sont obscures et contradictoires ; c'est ainsi que Niepce et Tardieu placent F. de Crémeaux, en 1623, après Saulzet d'Estignières auquel ils assignent comme date 1626. Les documents eux-mêmes paraissent se contredire entre eux: les Archives du Rhône, qui, nous venons de le voir, montrent Saulzet faisant acte de Grand prieur jusqu'en 1638, citent d'autres documents de 1627 où Just de Fay Gerlande prend aussi ce titre, par exemple l'arrentement de sa commanderie de Charrières (1), du 16 octobre ; le bailli Just de Bron La Liègue arrente également ; au Grand prieur d'Auvergne, Just de Fay-Gerlande, le baillage de Devesset, le 10 mai de la même année (2).
1. Archives du Rhône, H 267.
2. Archives du Rhône, H 281.
D'autre part, Vertot le met au nombre des 16 commissaires chargés de régler les affaires de l'Ordre au Chapitre général de Malte de 1631 (3). La charge était-elle partagée entre deux titulaires ? Quoiqu'il en soit, il faut placer Fay-Gerlande au nombre des Grands prieurs au moins de 1623 à 1631.
3. Histoire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome V.
François de CRÉMEAUX (1640-1642)
Niepce place ce Grand prieur en 1623, à tort comme nous venons de l'observer ; nos documents locaux ainsi que les Archives du Rhône prouvent qu'il fut nommé plus tard : en 1640, il possède la métairie du Mas-Baronnet, dépendant de la commanderie de Bourganeuf ; le 12 mai 1642, il afferme les revenus du Grand prieuré (4).
4. Etude Berger, d'après les notes Champeval.
Le 9 août 1642, le curé de Bourganeuf nomme le titulaire d'une vicairie dans l'église de l'Arrier « en l'absence de Monseigneur le Grand prieur d'Auvergne, commandeur de Bourganeuf, François de Crémeaux, résidant en l'isle de Malte depuis sa promotion an Grand prieuré » (5).
5. Pièce originale en ma possession.
D'après Vertot (6), F. de Crémeaux était Grand maréchal de l'Ordre en 1631 et assista en cette qualité au Chapitre général de cette année.
6. Histoire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome V.
Philippe des GOUTTES (1644-1649)
Avant Philippe des Gouttes, Niepce cite Jacques Péloquin, sur lequel nous n'avons pu trouver aucun renseignement ; de plus il lui assigne comme date 1633, époque où Saulzet d'Estignières était certainement en fonctions. Nous croyons que Philippe des Gouttes succéda directement à François des Crémeaux ; il était certainement Grand prieur en 1644 et, à cette époque, il se désista momentanément de sa charge pour occuper celle de Lieutenant général des armées navales ; les Archives du Rhône contiennent la ratification de ce désistement (1, H 121).
Il dut reprendre sa charge, puisque, le 14 mars 1650, le receveur touche les fermages pour l'année mortuaire de « feu frère Philippe des Gouttes » (2). D'après le montant de ce reliquat, 4.377 livres, 10 sols, et les comptes allant de juin à juin, on peut conclure qu'il mourut vers la fin de 1649 ou le commencement de 1650. En 1648, il tit faire un terrier de Bourganeuf conservé aux Archives de la Creuse.
2. Notes de Champeval.
César de GROLÉE de VIRIVILLE (1649-1663)
Il succéda immédiatement au précédent et dès 1650 nous le voyons affermer, en qualité de Grand prieur, à Léonard Borde différents immeubles « appelés communément les préclôtures du château » moyennant 1201 par an. En 1656, il nomme un curé de Morterolles. Il mourut le 8 août 1663 à Paris, « à l'hôtel Mouy, rue Dauphine. »
Les Archives du Rhône (3, H 200) contiennent diverses pièces relatives à sa « dépouille » ; l'inventaire prouve qu'il menait grand train ; il signale son argenterie, « armoriée des armes du deffunt » et « un carosse monté sur son train et roues, le dedans de velours. » plus « six chevaux sous poil gris pommelez. » Grolée était issu d'une vieille famille du Dauphiné.
Jean de FORSAC (1663-1674)
Jean de Forsac fut le successeur immédiat de César de Grolée. Il était commandeur de Charriéres au moment de sa nomination.
Il semble que, dès sa promotion, son temporel sur la commanderie de Bourganeuf ait été saisi, puisque les Archives du Rhône conservent un arrêt du Conseil privé, daté de Fontainebleau, le 9 août 1664, donnant mainlevée ; la saisie avait été faite « faute de foy et hommage non rendus par le sieur commandeur de Forçast, adveus et dénombrements non fournis à Sa Majesté à cause de sa tour de Montbergeon, chastellenie de Poitiers (1, H 292) »
Au mois d'août 1666, son vicaire général, Alexandre de Costain, nomme un curé de Bourganeuf.
Jean de Forsac mourut à Malte le 13 décembre 1674. Les Archives de la Creuse possèdent un terrier en trois volumes, rédigé à sa requête en 1671.
Jacques de SAINT-MAUR de LOURDOUEIX (1681-1687)
Nous avons connaissance de deux documents concernant ce titulaire : une information de 1681, faite en son nom pour nommer un notaire à Bourganeuf, un arrêt, daté de Fontainebleau, le 21 octobre 1687, lui accordant un délai de 3 ans pour prêter le serment de fidélité (2).
2. Archives du Rhône, H 126.
Cette pièce écrit Lordoué ; Niepce et Tardieu, Lordoy ; nous croyons que la bonne version est Lourdoueix, comme dans le premier document cité.
Paul de FÉLINES de LA RENAUDIE (1698-1710)
En 1698, d'Hozier indique ainsi les armes de Paul de Félines de La Renaudie, « Grand prieur d'Auvergne et commandeur de Bourganeuf » (3) : d'azur à un soleil rayonné d'or et un chef de gueules, chargé d'une croix d'argent. La Renaudie est une terre située dans le canton de Brive.
3. Archives du Rhône, H 126.
En 1701, ce Grand prieur fait faire un terrier en 2 volumes conservé aux Archives de la Creuse. Il mourut à Lyon le 29 juillet 1710.
Pierre LA CHAPELLE de JUMILLAC (1717)
Il existe une bulle de Clément XI, datée de Rome, le 25 juin 1717, qui traite d'un différend survenu entre François Foucault de Saint-Aulaire et Pierre de La Chapelle de Jumillac au sujet de l'élévation du premier au maréchalat.
Léonard-François de CHEVRIERS de SAINT-MAURICE (1723-1727)
Il était commandeur des Echelles et de Charrières et habitait Mâcon, comme en témoigne le bail de sa maison d'habitation, conservé aux Archives du Rhône (1). Elles contiennent aussi l'inventaire de sa « dépouille » daté du 12 février 1728.
1. Archives du Rhône, H 197.
Charles-Joseph de LA RENAUDIE (1727-1728)
Une jouit de la dignité de Grand prieur que pendant ces deux années.
Claude-François, comte de LESCHERAINE (1728-1748)
Le comte de Lescheraine est omis dans les listes de Niepce et Tardieu ; ce Grand prieur a cependant joué un rôle assez important ; de plus son nom et sa qualité sont inscrits sur le bronze de la grosse cloche, fondue en 1728, dont il fut le parrain, et qui existe encore dans le clocher de Bourganeuf. Le 29 mai 1715, il avait été nommé lieutenant général des troupes de terre ; le 29 janvier 1722, le pape Innocent XIII énumérait dans un bref les services rendus par lui et engageait le Grand maître à lui remettre l'habit de Grand-croix de l'Ordre (2).
2. Archives du Rhône, H 127.
Nommé Grand prieur en 1728, il ne semble pas avoir habité souvent Bourganeuf ; il avait loué à Chambéry un appartement de neuf pièces, dans un hôtel de la rue Croix d'Or (1), et un autre à Malte ; il voyageait beaucoup à tel point que, le 12 septembre 1729, il reçut de ses supérieurs l'ordre de ne pas sortir de son prieuré d'Auvergne (2) ; mais on a conservé la minute d'une lettre de lui, dans laquelle il proteste auprès du roi de France contre la décision du Grand maître qui lui a interdit les cours de l'Electeur Palatin et du roi de Sardaigne, décision inspirée, d'après lui, par la cour de Vienne, « jalouse à l'excez, dit-il, de la confiance dont m'honore M. l'Electeur Palatin auquel j'ay eu occasion, dans deux affaires essentielles, de faire ouvrir les yeux sur ses véritables intérêts, qui ne s'accordent pas avec les vues et les propositions de l'empereur, ses ministres et ceux de l'Electeur mesme... »
Il s'est « trouvé dans des circonstances où j'ay dû lui faire sentir que ses véritables intérêts n'estoient pas de se prester et de sacrifier, luy et ses estats, à ceux de la maison d'Autriche. J'ay fait gloire d'en convaincre quelques-uns de ses ministres ; je voudrais l'avoir pu faire plus utilement pour luy et pour la France. » (3). 1. Archives du Rhône, H 123.
2. Archives du Rhône, H 123.
3. Archives du Rhône, H 242.
Cette lettre donne une idée de l'influence exercée par Lescheraine dans les affaires générales ; par contre, il était forcé de négliger Bourganeuf dont il affermait les revenus (2).
2. Archives du Rhône, H 521.
Il mourut à Chambéry le 25 mars 1748.
L'inventaire de son mobilier montre des goûts et des ressources de grand seigneur : avec sa croix et ses montres, garnies de diamants, ses tapisseries d'Aubusson, on remarque une galerie de portraits et de tableaux, en particulier « un portrait grand au naturel, représentant un vieillard, sa main sur un livre, de Holbein, sur bois (3). »
3. Archives du Rhône, H 526.
– Un terrier publié par ce Grand prieur en 1734 existe aux Archives de la Creuse.
Amable de THIANGES (1748-1757)
Les de Thianges, noblesse de chevalerie, étaient du Bourbonnais ; une branche avait acquis la terre de Lussat-les-Nonnes, aujourd'hui dans la Creuse. C'est là, dans le château appartenant à un de ses neveux, et non à Bourganeuf, qu'habitait Amable de Thianges, nommé Grand prieur ; du reste il fit déclarer Lyon chef-lieu du Grand prieuré, à la fin de 1749 ou au commencement de 1750 (4).
4. Niepce, Le Grand prieuré d'Auvergne, page 100.
Le 29 juillet 1752, il confia la cure de Bourganeuf à l'abbé Joseph Cohade, curé de Lussat (5).
5. Registres de catholicité de Bourganeuf.
Il mourut au château de cette localité le 9 décembre 1757. Il était Grand-croix de son Ordre et commandeur de Villefranche-sur-Cher, les Salles et Monsigny.
Georges de SALLES (1758-1759)
Comme son prédécesseur, ce Grand prieur ne tint guère compte des statuts de l'Ordre et n'habita pas plus Lyon que Bourganeuf ; il préféra son château d'Annecy, où il résidait déjà en 1750, alors qu'il était Grand maréchal ; il se rendait seulement à Lyon de temps en temps pour l'expédition des affaires. Je possède une nomination, avec signature et cachet, faite par lui, d'un sergent-garde des bois et rivières ; elle est datée de Lyon, le 1er juin 1759. Il mourut en Savoie quelque temps après, le 11 octobre 1759.
Pierre-Joseph-Guy de BOSREDON de VATANGES (1759-1770)
Les Bosredon forment une des plus anciennes familles de l'Auvergne ; d'après son historien (1) elle a fourni 25 chevaliers à l'Ordre de Malte et sa nombreuse lignée avait donné cours au proverbe : « On ne peut battre un buisson sans qu'il en sorte un Bosredon. »
Le Grand prieur était en 1760 commandeur de Chamberaud et de Morterolles ; il présentait, cette année-là, son septième compte de procureur général et de receveur du Grand prieuré. La bulle qui le nomma Grand prieur est du 5 décembre 1759 (2) ; elle est signée du Grand maître, Emmanuel Pinto ; il prit possession en 1760.
Les années suivantes, il fit diverses nominations de notaires, de gardes, etc. ; en 1767, il obtint du roi un décret pour renouveler le terrier de Bourganeuf (3) ; le 27 mars de la même année, il fait faire la visite par le commandeur Gilbert Josset, prêtre conventuel. Bosredon habitait Lyon, place de la Trinité (4), où il mourut en 1770.
1. Tardieu, Histoire généalogique de la maison de Bosredon.
2. Archives du Rhône, H 118.
3. Ce terrier est conservé aux Archives de la Creuse.
4. Archives du Rhône, H 613.
Pie de FASSION de SAINTE-JAY (1771-1775)
Ce Grand prieur était né au château de Varessieux, près de Saint-Marcellin, en Dauphiné. Nous possédons les minutes de différentes nominations faites par lui de 1771 à 1774. Il mourut à Bourganeuf le 24 septembre 1775, âgé de 73 ans. Il possédait des ressources considérables ; mais la Feuille hebdomadaire de Limoges, dans son numéro du 14 novembre 1775, fait un bel éloge de sa sobriété, de sa charité et de sa sainteté. Dans son testament il fit un legs de 500 livres aux pauvres de Bourganeuf. Son corps fut enterré dans un mausolée placé du côté de l'Evangile dans le sanctuaire de l'église de Bourganeuf.
Gabriel de MONTAIGNAC DE CHAUVANSE (1775-1779)
Nous croyons devoir éliminer encore un nom dans les listes de Tardieu et de Niepce : ces auteurs citent, à la date de 1772, Emmanuel de Rohan et le placent entre Gabriel de Montaignac et son prédécesseur ; outre que nous ne connaissons aucune trace de son passage, et nous avons cependant d'assez nombreux documents sur cette période, nous remarquons que Pie de Sainte-Jay était prieur avant 1772 et qu'il est mort dans cette dignité en 1775 ; nous savons, de plus, que Gabriel de Montaignac lui succéda deux mois après (1), en novembre de la même année ; il n'y a donc pas place pour Emmanuel de Rohan.
Gabriel de Montaignac ne jouit pas longtemps de sa dignité et mourut le 28 novembre 1779.
1. D'après le livre de comptes de H. Maucourant, marchand de Bourganeuf, dans le Recueil des Registres domestiques, publié par Louis Guibert.
Jacques de SOUDEILLES (1780-1783)
Puisque Gabriel de Montaignac est mort seulement en 1779, on ne peut pas admettre l'existence en 1778 d'un autre Grand prieur, comme le font les deux auteurs cités à l'article précédent. D'un autre côté, nous possédons le bail de la capitainerie de Bourganeuf, consenti, le 10 avril 1780, par Alexandre Mérigot, marquis de Sainte-Feyre, au nom de « Messire Jacques de Soudeilles, commandeur de Montferrand, bailly, Grand-croix de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, conseiller du roi en tous ses Conseils d'état et privés, Grand prieur d'Auvergne. »
Le 1er juin de la même année il présida le Chapitre général du Grand prieuré, tenu en l'hôtel de la commanderie de Saint-Georges à Lyon (1).
1. Niepce, Le Grand prieuré d'Auvergne, page 17.
Claude-Marie de SAINTE-COLOMBE L'AUBESPIN (1783-1789)
Le 22 avril 1783, ce Grand prieur affermait tous les revenus de la commanderie de Bourganeuf par un bail de six ans, consenti à MM. Antoine Roy de Pierrefitte, maire perpétuel de Felletin, et Joseph Tixier-Dubreuil, seigneur de Banizette ; le loyer annuel était de 19.600 livres et les preneurs devaient, en plus, acquitter les charges nombreuses imposées à la commanderie : portions congrues à différents curés, traitements des juges et gardes de la justice seigneuriale, six cents setiers de seigle à l'hôpital, entretien des enfants trouvés, etc. Comme terme de comparaison il est intéressant de rappeler que la commanderie, dont les sources de revenus ne semblent guère avoir changé, avait été affermée 8.100 livres en 1642, par P. des Crémeaux, et, en 1590, par L. de La Chambre, « dix-sept cents seize écus sol, deux livres tournois, revenant à la somme de cinq mil cent cinquante livres. »
Le bail fait par Sainte-Colombe indique qu'il habitait ordinairement Romans en Dauphiné et que, le jour de la signature du bail, il logeait à l'hôtel du Lion d'Or à Bourganeuf ; le château était occupé par son fondé de pouvoir, le sieur Lacoste, donat de l'Ordre. Nous avons dit, dans les notes préliminaires, comment ce Grand prieur préféra les revenus de la commanderie de Lyon à ceux de Bourganeuf.
Sainte-Colombe de l'Aubespin mourut le 26 novembre 1789.
François-Nicolas LE PRUNIER de LEMPS (1789)
Ce fut le dernier Grand prieur d'Auvergne. L'Ordre fut supprimé en France par la loi de 1791 qui confisqua les biens des Religieux. La dernière séance du chapitre du Grand prieuré d'Auvergne est du 2 juin 1792 ; le nom du Grand prieur n'y figure pas (1).
l. Niepce, le Grand prieuré d'Auvergne, page 17.
Notes
Ces notes sur les personnages qui se sont succédé pendant cinq siècles à la tête de la vaste circonscription qu'était le prieuré d'Auvergne, sont incomplètes ; cependant, telles qu'elles sont, elles nous semblent comprendre des précisions et des documents utiles à conserver.
Sources : Parinet, E. Chanoine. Mémoires de la société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, page 1 à 40. Tome 25. Guéret 1931. BNF