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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Chapitre VIII

Nous ne savons si les commandeurs prévirent les conséquences de la Révolution, mais Emmanuel de Rohan, grand-maître, écrivait que sa qualité de prince étranger sauverait l’ordre et le mettrait hors d’atteinte des griffes du monstre. Cette illusion fut de courte durée. L’ordre fut si bien saisi par la Bête rouge, qu’il en mourut. La protection du tsar de Russie fut inntile.

* * *

Les Hospitaliers ne crurent pas de leur dignité de participer aux élections législatives de 1789. D’ailleurs les ministres en avaient réglé le mode d’une manière tout-à-fait ingénieuse.

Ne tenant aucun compte des principes égalitaires qui passaient comme un ouragan sur le pays, ils avaient arrêté que les baillis et les commandeurs seraient assimilés à des bénéficiaires ecclésiastiques et voteraient par conséquent avec le Clergé ; les novices, qui n’avaient point encore fait les vœux, voteraient avec la Noblesse : quant aux chapelains et aux servants, on les rangeait avec le Tiers (1).

La nuit du 4 août et les journées suivantes par l’abolition des dîmes, des cens, des justices et des droits seigneuriaux enlevaient aux commandeurs le principal de leurs revenus. Les lettres patentes du roi en date du 18 juillet 1790 notifiaient à tous les décrets de l’Assemblée nationale du 18 juin déférant aux tribunaux ordinaires ceux qui prélèveraient encore la dîme et les cens (2).

L’ordre était volé et dupé. Dupé en la personne du chevalier de Constant, dont le pacifisme aveugle avait traité au nom de l’ordre des bases du don patriotique, impôt qui succédait au don gratuit. La commanderie de Carlat, qui payait au roi 770 livres, dût en payer à la Nation 1.047 ; la commanderie de Celles qui donnait à Louis XVI 687 livres, 8 sols, paya désormais 987 livres ; Montchamp au lieu de 971 livres, 15 sols, fut taxé à 1.321 livres, 5 sols, soit un tiers en plus. Et l’on ose dire que les démocraties sont les gouvernements qui coûtent le moins cher ? A l’abolition des privilèges et des dîmes, il semble que ces chiffres dussent être ramenés à un taux inférieur. Non. L’état consentait bien à la perte des revenus des commanderies, mais n’acceptait pas de perdre ses impositions. Elles furent maintenues jusqu’à la vente des biens de l’ordre. Les commandeurs payèrent le don patriotique de 1789, mais la plupart refusèrent de solder les autres, en particulier le commandeur de Celles.

La commanderie de Carlat était affermée 13.400 livres à Pierre Rilhac et à Pierre-Martin Gély depuis 1788. Dans ce chiffre, rentraient 950 setiers de grains, produit des dîmes, l.000 setiers de grains, 150 livres en argent, 200 poules, 3 ou 400œufs, etc., produit des cens et rentes, et le revenu des domaines.
La commanderie de Celles était affermée 13.000 livres à Dominique Teissèdre, de Murat. Les principaux revenus, la dîme et les cens, produisaient, le premier 5 à 600 setiers, les seconds 85 setiers de froment, 280 de seigle et 200 d’avoine, 90 livres argent, 180 poules, 300 bouhades. Venait ensuite le produit des domaines.

La commanderie de Montchamp avait pour fermiers Talandier et Chastang, ils payaient 17.500 livres au commandeur. Or, la dîme fournissait environ 5 à 600 setiers de grains et de 80 à 100 pots de vin. Les cens donnaient 300 pots de vin, de 7 à 800 setiers de grains, 500 poules, etc. Le surplus des revenus provenait des domaines et des droits seigneuriaux.

Ainsi les dîmes et les cens constituaient, la majeure partie des revenus des commanderies. Les lois les réduisaient donc à leurs simples domaines, dont les revenus étaient insuffisants à payer les charges et à faire vivre le commandeur.

Les domaines de la commanderie de Carlat étaient peu importants en dehors des églises et chapelles ; il y avait le domaine de l’Hôpital de Saint-Cirgues, le domaine du Monteil et le petit domaine de la Salvelat.

Les domaines de la commanderie de Celles étaient constitués par le château et la ferme de Celles, plus un petit domaine à Tempel.

La commanderie de Montchamp avait les domaines les plus importants, lesquels étaient en plus des églises : le château et le domaine de Montchamp, le domaine de Loubeysargues, le domaine de Laveissenet, le domaine du Temple et la cure de Jabrun, la vigne de Paulhac, le château et la ferme de Charbonnier, le château et la ferme de Chauliac, sans compter les moulins, fours et autres bâtiments. C’est tout ce qui resta aux Chevaliers de Malte après la nuit du 4 août. Cela eut suffi à l’ordre, si la Révolution l’eut respecté ; mais ces biens étaient l’objet d’ardentes convoitises de la part des nouveaux conquérants du pays. Le Tiers triomphant devait fatalement exproprier le clergé et la noblesse pour s’enrichir de leurs dépouilles, c’est ce qu’il fit. Mais avant, il avait à détruire les justices seigneuriales Réforme nécessaire, utile au milieu de tant d’autres néfastes et ruineuses. La justice seigneuriale n’était plus que l’ombre du passé, la plupart des prisons étaient depuis longtemps démolies.

La commanderie de Carlat se composait de plusieurs justices. Celles de Carlat, de l’Hôpital de Saint-Cirgues et de l’Hôpital de La Barbarie, étaient du ressort de Vic-en-Carladès. Toutes avaient la haute, moyenne et basse justice. Elles se composaient d’un juge, d’un procureur d’office et d’un greffier. En 1682, les officiers de la justice de Carlat et des membres de la Salvetat et de Villedieu étaient Géraud Cabrespine, juge, Géraud Vidalhinc, procureur d’office, Joseph Sadourny, fermier, greffier. Le commandeur nommait ces officiers, l’ordre ne vendait pas ces charges, mais ne refusait pas non plus un présent, exemple Delcroux, qui offrait 15 pistoles au receveur de Caissac pour la charge de juge à Carlat : le maréchal de l’ordre consulté trouvait bon de plumer la poule. La justice de l’Hôpital de Saint-Cirgues s’étendait à l’annexe du Monteil et se composait à la même époque de Pierre Laporte, de Salers, juge, de Gabriel Pommier, procureur d’office, et de Philippe Cros, greffier. La prison était à l’Hôpital comme celle de Carlat à la Salvetat. La justice de l’Hôpital de la Barbarie se composait d’un juge, Jacques Lavergne, de Mauriac, d’un procureur d’office, Jean Chavialle, et d’un greffier, Antoine Delprat, de Mauriac. Les membres du Limousin avaient également leur justice particulière ; celle de l’Hôpital de Corrèze et du Couderc se composait en 1682 d’Antoine Andrat, juge, de Charles Chassaigne, procureur d’office, de Monges, greffier. Le membre de Marcheix avait pour juge Pierre Lacoste, pour procureur d’office Laumond et pour greffier Jean Giraudeau.

La justice de la commanderie de Celles était régie par le droit coutumier, l’appel était à la prévôté de Saint-Flour. Elle constituait une seule justice pour toute la commanderie, elle était de beaucoup plus importante que toutes les justices de la commanderie de Carlat, elle avait un procureur fiscal au lieu d’un procureur d’office, un juge, un juge assesseur et un greffier. Le juge recevait du fermier onze setiers de rente annuelle. En 1726 la justice de Celles était ainsi composée : Antoine Chaumeil, de Murat, juge, François Ruynes, juge assesseur, Jean Ganilh, procureur fiscal, Mosse, greffier.
Ces justices ne chômaient pas, nous en avons donné de nombreux exemples au cours de cette étude : en voici un dernier, intéressant dans sa procédure. Pierre Cristal, de Meymargues, ayant laissé paître ses animaux dans la propriété de Michel Leclerc, de Baynac, au lieu-dit du Lac Vacher, fut assigné par l’huissier Vazelle devant le juge de Celles. Pierre Cristal commença par récuser cette justice, en affirmant que le Lac Vacher était de la justice de Murat. Après expertise et consulte des terriers, ce dernier fut débouté et assigné le 29 mai 1760 devant Noël Danty, juge. Le 29, ayant fait défaut, le juge lança un mandat de prise de corps contre lui pour être enfermé dans la prison de Celles, si dans la huitaine il ne se présentait pas. Cristal ne se présenta pas. Au bout de huit jours il fut assigné à nouveau par un seul cri public, et, s’il faisait défaut à la huitaine, ses biens devaient être confisqués.

Cristal fut alors trouver Noël Danty, à Murat, et le consulta, non comme juge, mais comme avocat. L’avocat Danty, moyennant quelques épices et 40 livres dédommagé envers Leclerc fit retirer la plainte de celui-ci. L’affaire fut close. Noël Danty avocat avait roulé Noël Danty juge, mais ce ne fut pas sans profit, car si le juge rabattait le gibier, l’avocat le plumait (3).
La commanderie de Montchamp avait une justice particulière pour chaque membre. Elle était haute, moyenne et basse et se composait d’un juge, d’un procureur d’office et d’un greffier. La justice du membre de Montchamp était du ressort de la sénéchaussée d’Auvergne, en appel à la prévôté de Saint-Flour. En 1765, elle se composait ainsi : Jean Baptiste Bertrand, juge, Pierre Cohade, de Brioude, procureur d’office, Jean Vaissier, de Saint-Flour, greffier. La justice de La Garde et celle de Loubeysargues, particulières à ces membres, s’étendaient aux directes de la Garde et de Loubeysargues. Celle du Charbonnier s’étendait aux autres membres. Ces justices étaient régies par le droit coutumier, les officiers étaient payés par les fermiers, à Montchamp, 2 setiers de seigle au juge et un au procureur, à la Garde, 4 setiers au juge et 3 au procureur, etc.

Tous les droits seigneuriaux furent également supprimés : droits de chasse, de pèche, de péages, de lods, colombiers, corvées, bohades, etc., ainsi que les droits honorifiques comme la nomination des curés, etc.

* * *

La commanderie de Carlat possédait les églises paroissiales de Carlat, La Salvetat. Le Couderc et Mascheix et les chapelles de l’Hôpital de Saint-Cirgues, de Villedieu, et de l’Hôpital de Pierrefitte, etc.
L’église du Temple de Carlat était dédiée à Notre-Dame du Puy. Elle disparut au XVIIe siècle sous la pioche des démolisseurs, elle n’était plus à cette époque qu’une chapelle domestique. L’église paroissiale était située dans le bourg de Carlat. Elle fut construite par Anne de France, duchesse de Bourbon, dont les armes se trouvent à la clef de voûte du chœur de l’église. C’est un édifice assez simple, vaste, élégant, composé d’une nef rectangulaire, ajourée de deux chapelles de chaque côté. Le cœur est séparé de la nef par la table de communion et fermé par une abside pentagonale, que cache aujourd’hui un grand retable. Les croisées ogivales du chœur sont très élancées. Ce chœur peut avoir 20 pieds de longueur sur 24 de large. Nous ne décrivons pas son ornementation actuelle, mais celle de 1680. Le maître autel était en pierre de taille, ainsi que les deux degrés par lesquels on y parvenait ; il était surmonté d’un tabernacle en bois peint avec une petite niche où se trouvait une croix. Au-dessus, il y avait un grand tableau représentant l’Ecce Homo et quelques autres tableaux à côté, puis un très grand crucifix. Sur l’autel, trois nappes, un devant d’autel en satin et en colon aux couleurs blanches et violettes, six chandeliers, etc... Le confessionnal appartenait à Jean Paul, prêtre communaliste, et la chaire au vicaire perpétuel Delmas.

Dans la nef il y avait, du côté droit, la chapelle de Notre-Dame du Rosaire, dite aussi de Laubiégal, car elle appartenait à ce seigneur ; à main gauche, la chapelle de Sainte-Anne, où il y avait 4 statues. La nef avait 50 pieds de long sur 24 de large.

Les fonds baptismaux étaient en pierre, mais recouverts de bois et ornés d’un capuchon d’étoffe rouge par-dessus, en mode de bonnet phrygien. Deux bénitiers de pierre et deux coffres en bois complétaient l’ornement de l’église. Ces coffres appartenaient l’un à la confrérie, l’autre à la communauté des prêtres. Un escalier à vis permettait d’accéder à la tribune et de la tribune au clocher à peigne où se trouvaient quatre cloches.

Nous constatons que la majeure partie des ornements appartenaient aux prêtres de la communauté y compris l’ostensoir ; mais il y en avait de bien singuliers. Ainsi l’inventaire nous donne une chasuble, une chappe, deux dalmatiques de drap rouge, doublées de camelot noir, pouvant servir pour les morts et les martyrs. C’est là une idée bizarre d’accoupler le rouge et le noir, toute particulière à la commanderie de Carlat.

il y avait un reliquaire en bronze contenant les reliques de saint Avit. Dans le cimetière, il y avait un « pavillon de dévotion posé sur quatre colonnes en pierres, avec une croix au milieu. » Le curé n’avait pas de presbytère. Il était, secondé d’un vicaire et de huit prêtres communalistes. Le commandeur donnait au vicaire perpétuel, outre la dîme des agneaux de la paroisse, 70 setiers de seigle. Le titulaire de 1684 était Delmas.

L’église paroissiale de la Salvelat (4) dont Antoine Grellière était curé en 1684, était dédiée à saint Jean-Baptiste ; elle n’avait que dix aunes de long sur quatre de large avec deux petites chapelles. Le grand autel était en bois peint surmonté d’un petit tabernacle avec sa niche, au-dessus un tableau fort usé représentant le baptême de Notre Seigneur et tout autour, jusqu’à la voûte, des morceaux de bois pointus. Le chœur était éclairé par deux fenêtres, l’une de chaque côté. Près de la table de communion, il y avait un grand chandelier en bois, formant sept branches et orné de boules et de fleurs de lys, de l’autre côté le confessionnal du curé. La chapelle à main droite était dédiée à Notre Dame du Rosaire ; elle était ornée d’un tableau représentant la Sainte-Vierge et l’enfant Jésus donnant le rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine. La seconde chapelle avait une croix de Malte, une croix du Saint Esprit et un grand ruban bleu où les personnes pieuses attachaient des ex-voto : chapelets, scapulaires, etc. Deux chandeliers ornaient cet autel, l’un en fer, l’autre en bois. Cette chapelle appartenait à Antoine Moissignac et à Jeanne Muratel. Tout était pauvreté dans cette église. Jusqu’au clocher qui ne contenait qu’une cloche.

Nous ne parlerons point des églises paroissiales du Couderc et du Mascheix, bien que l’une d’elle ait une chapelle à l’honneur de saint Joseph, fait assez rare et que nous signalons au passage, ces églises faisant partie du diocèse de Tulle.
La chapelle de Villedieu était dédiée à saint Jean-Baptiste et desservie par un chapelain moyennant les dîmes de Villedieu, qui s’élevaient à 22 setiers environ. Comme monument elle n’avait rien de particulier, c’était la simplicité même (5).

La chapelle de l’Hôpital de Pierrefitte avait 5 aunes de longueur sur 4 de largeur, elle était dédiée à saint Jean Baptise et desservie tous les 15 jours par le curé de Giou ; il recevait 8 setiers de seigle et 40 sols d’argent. La chapelle était romane, surmontée d’un clocheton où se trouvait une cloche du poids de 80 livres. Il y avait sur l’autel un petit coffre en bois couvert de cuivre, c’était un reliquaire, contenant des reliques de saint Jean. Au sortir des guerres religieuses, cette chapelle fut reconstruite par Jean Casse, marchand d’Aurillac (6).

La chapelle de l’Hôpital de Saint-Cirgues, également dédiée à saint Jean, mesurait 36 pieds de long sur douze de large ; elle était desservie par un chapelain qui était en 1680 Martin Darigald. Le maître autel était surmonté d’un tabernacle en bois peint, entouré de deux reliquaires. Il y avait aussi un deuxième autel en pierre et une statue de Notre Dame de Pitié. Quant aux ornements, nous trouvons ici les mêmes qu’à Carlat, la chasuble rouge doublée de noir pour les morts. Le clocher possédait deux cloches Le fermier payait 36 livres au chapelain en 1680.

La commanderie de Celles n’avait qu’une église paroissiale dédiée à saint Illide, évêque de Clermont. Cette église fait corps avec l’ancien temple dont elle occupe la place d’honneur, la façade du midi, elle est orientée vers le soleil levant. C’est une chapelle romane de forme rectangulaire, voûtée en berceau. Les voûtes reposent sur les murs, mais ceux-ci sont découpés par des colonnes romanes dont quelques-unes se terminent sur des pendentifs à tête d’Assyriens, les chapiteaux de ces colonnes sont ou à feuilles d’acanthes ou à sujets divers. Nous résumons le procès-verbal de Louis de Bosredon et de Pierre Regimbal, prêtre, chanoine de l’église cathédrale de Saint-Flour, fait en 1775.
On accédait au maître autel par deux degrés. Le tombeau était en pierre de taille, garni d’un marbre sacré. Ces pierres étaient dissimulées par un cadre doré en bois, qui renfermait un cuivre doré. Sur l’autel le tabernacle en bois doré était orné de colonnes, de sculptures et de moulures, ainsi que d’une console pour l’exposition du Saint-Sacrement Derrière, il y avait un grand retable allant jusqu’à la voûte où trônait le Père éternel. Entre les colonnes qui supportaient ce retable, se trouvaient les statues de saint lllide et de sainte Anne avec la Sainte-Vierge et au milieu de la fausse baie, un tableau représentant le Saint-Esprit. C’est encore le même autel aujourd’hui.

A main gauche, il y avait la chapelle de Sainte Barbe, dont le maître autel représentait les mystères du rosaire. Les deux retables étaient cachés par deux voiles de toile rouge, qu’on ouvrait ou fermait à volonté.

Dans le fond de la nef, il y avait un autel dédié à saint Roch. Cet autel était surmonté d’un retable, qui encadrait un tableau fort ancien. Au-dessus, il y avait la tribune pour la commodité du commandeur. La porte d’entrée, en face de laquelle se voyait un grand crucifix, était en chêne, défendue par une seconde porte en fer forgé et grillé. La sacristie était à l’angle déterminé par l’église et la chapelle Sainte Barbe.

Les ornements étaient généralement d’étoffes grossières, en camelot, en flanelle, avec des croix en satin. Nous avons signalé cette chasuble où l’on avait peint les âmes du purgatoire et une autre de toutes couleurs. Ainsi le mauvais goût se joignait à la pauvreté, même dans l’une des plus belles églises de l’ordre en Auvergne.

Le curé de Celles jouissait d’une petite propriété et de quelques rentes servies par le commandeur, il n’avait pas de presbytère et se logeait comme il pouvait.

La commanderie de Montchamp avait dans son ressort l’église paroissiale de Montchamp, celles de Jabrun et de Laveissenet dans le Haut Pays d’Auvergne, celle de Charbonnier dans la Basse-Auvergne, avec les chapelles de Loubeysargues, Langeac, Chauliac, La Rivière-l’Evêque et La Badelle.

L’église de Montchamp est dédiée à saint Jean-Baptiste. De l’ancienne église, il ne reste plus rien. Les travaux de reconstruction entrepris par M. Baduel et M. Moulinier n’ont laissé subsister de l’ancienne qu’une clef de voûte aux armes des Lespinasse, qu’on a enchâssée au-dessus du nouveau porche de l’église. En 1765, le clocher possédait 4 cloches. Le vicaire perpétuel, Pierre Boudon, était à la portion congrue de 200 livres ; il jouissait en outre de plusieurs prés fournissant 8 chars de foin.

L’église de Jabrun est dédiée à saint Jean Baptiste. Une partie remonte au XIIe siècle, l’autre au XVe, Elle n’a qu’une seule nef s’ouvrant sur l’abside en hémicycle à l’intérieur et de forme pentagonale à l’extérieur. Elle est surmontée d’un clocher à battière, où en 1765 se trouvaient quatre belles cloches. A signaler une petite baie romane, les colonnes et les chapiteaux de d’arc-triomphal, mais surtout une fort jolie chapelle dont les voûtes reposent sur des consoles décorées de personnages bien fouillés. L’arc de la trouée faite dans le mur est supporté par des colonnes monolithes en spirales.

L’appareil est en pierre du pays, pierre grise mêlée de mica, très dure, difficile à tailler. Il y a dans la sacristie un beau reliquaire du XVIIe siècle, sur la porte se trouve gravée l’inscription suivante :
Parochus ære meo cura quæ sacraria feci Veinade, gratas quas peto solve proces

L’église de Laveissenet est placée sur une éminence, qui domine le bourg et l’immense cirque formé par le vallon, qui prend naissance à cet endroit. Ici, l’art des hommes embellit la nature et la spiritualise. L’église est dédiée à saint Cyr et à sainte Juliette, ses bases romanes se sont terminées en gothique, comme toutes ou presque toutes les églises de la contrée : c’est là une particularité de l’Auvergne et je les crois ainsi plus en harmonie avec la terre et les cieux. Les bases romanes sont lourdes comme le sol sur lesquelles elles reposent, les ogives gothiques gracieuses et élevées comme l’azur des cieux. L’église mesure 18 mètres de long sur 5 m. 65 de large hors œuvres. A retenir le porche dont les nombreux blasons ont été dégradés, les modillons emblématiques de la vigilance, poules, coqs, renards, chiens se poursuivant, et le retable du chœur, dont le tableau de quelque valeur représente le crucifiement. Il est aux armes du commandeur de La Rochefoucauld. Le clocher est récent, il est lourd, mais sa matérialité convient au site.
Le curé de Laveissenet jouissait d’une maison presbytérale, d’un bien fond assez considérable, plus 50 livres d’argent, 4 setiers de seigle et 3 de froment pour desservir la chapelle de Loubeysargues (Loubizargues).

Cette dernière sise à Loubeysargues (Loubizargues) sous le vocable de saint Loup, était comme toutes les chapelles de l’ordre de Malte en Auvergne très modeste. Bâtie en appareil moyen, ayant sur le pignon occidental un clocher à peigne ou l’on parvenait par une tour ronde, elle était à une seule nef, sans chapelle, le cœur séparé par une balustrade en bois et deux colonnes octogonales aux chapiteaux douchées. Le maître autel était surmonté d’un retable sur lequel il y avait les statues de saint Jean-Baptiste, saint Loup, saint Barthélémy el de la Sainte Vierge. Le chœur était pavé. Dans cette chapelle, au XVIIe siècle, avec l’autorisation de l’évêque, on administra quelques fois le sacrement de mariage.

Le linge et les ornements de ces chapelles et, églises étaient assez pauvres, jusqu’au jour où le bailli de Boislinard leur fit présent d’un mobilier complet à chacune d’elles. Il consacra à l’église de Laveissenet 335 livres, 18 sols. ; à celle de Jabrun, à celle de Montchamp, 317 livres ; à celle de Charbonnier, 142 livres, etc. et fit disparaître tous les ornements anti liturgiques (7).

Le commandeur de Montchamp possédait encore les églises paroissiales de Charbonnier, la chapelle Saint-Jean de Langeac, aujourd’hui chapelle des Pénitents, la chapelle de Chauliac, la chapelle de La Rivière-l’Evêque et celle de La Badelle en Basse-Auvergne.

L’église de Charbonnier fut le siège d’une paroisse jusqu’en 1793. Au concordat la paroisse fut unie à celle de Moriat jusqu’en 1868. A cette date par suite des travaux des mines, l’église s’écroula, elle fut relevée et bâtie sur un nouvel emplacement. Ou ne garda de l’ancienne qu’un bénitier portant un blason mutilé et une plaquette avec une inscription illisible. L’ancien maître autel était surmonté d’un retable au centre duquel se trouvait un tableau représentant le baptême de Notre Seigneur. L’ancienne église possédait aussi des statues de saint Jean et de saint Barthélémy, et une chapelle du Rosaire avec un tableau fort ancien.

* * *

Les paroisses de l’ordre furent d’abord desservies par des frères chapelains de l’ordre de Saint Jean. C’est ainsi que nous trouvons à la cure de Laveissenet en 1256, frère Augustin, en 1496, Jean Saumade, à Celles, Pierre de Lacroix, en 1374, à Charbonnier, frère Jean Rolland, en 1530. Les guerres de religion ayant tari les vocations religieuses, l’ordre fit appel au concours du clergé séculier, mais exigeait, en donnant des lettres de provision, que les curés nommés obtinssent des lettres dimissoriales de leur évêque et s’engageassent dans la milice hospitalière sous le nom de frères d’obédience.

Les prêtres d’obédience prenaient l’habit, de l’ordre, faisaient les vœux, étaient soumis à l’autorité du commandeur, mais ne fournissaient pas de preuves. Dans le cours de ces récits, nous avons vu quelques prêtres comme Claude de Salasses et Jean-Baptiste Pichot, curés de Laveissenet, une fois investis des cures, oublier de prendre la croix et le commandeur les y contraindre. Ces incidents nous les avons mentionnés, nous n’y reviendrons pas.

Il était d’usage constant dans l’ordre de Malte, que les chevaliers visiteurs de la commanderie enquêtassent sur la conduite des prêtres. Ils prenaient l’avis de trois hommes sages et discrets de la paroisse, et nous constatons que les nombreux procès-verbaux font l’éloge des curés ou chapelains. Jean Vedrines, curé du Couderc, est un homme de bien dont on a aucun sujet de plainte. Etienne Périer, curé de Mascheix, vit en homme de bien, desservant, avec beaucoup de dévotion son église. Antoine Grellière, curé de la Salvetat, vit en homme de bien. Delmas, curé de Carlat, remplit très bien sa charge en honnête prêtre. A Danrigal, chapelain de l’Hôpital, on n’a rien à lui reprocher (1). Vayssières, curé de Celles, est un homme de bonne vie et mœurs, remplissant exactement les fondions de son ministère (2), etc. Cela suffit ce nous semble à prouver la bonne tenue des curés et chapelains chargés par les commandeurs de la direction des églises et chapelles relevant de l’ordre de Malte.

Ils vivaient de leurs fonctions et des rentes en nature ou en argent payés par les fermiers au nom du commandeur. Presque tous avaient la jouissance de quelques prés, champs et jardins. Quelques-uns se livraient à la spéculation. En 1680, Besse, curé de Mérignac, est fermier de ce membre. En 1771, Joseph Danty sous-loue le membre de La Garde-Roussillon. Ils ne firent pas fortune, mais leur superflu allait à l’église qu’ils embellissaient. Ainsi à Carlat, la plupart des meubles et ornements étaient la propriété des prêtres, les procès-verbaux en font foi (10).

Ces pauvres prêtres furent les plus intéressantes victimes de la Révolution. Ils avaient eu foi en elle, croyant à ses fallacieuses promesses, grisés par ses théories égalitaires. Tous acceptaient le serment imposé et l’investissions nationale de leur cure ; mais après la vente des biens, qui constituaient le patrimoine paroissial, la suppression des dîmes, l’Etat leur refusa une pension, sous prétexte qu’ils dépendaient de l’ordre souverain de Malte. En 1790, Motte, vicaire de Celles, demande au district 350 livres de pension échue, son mémoire est refusé avec cette mention : adressez-vous au commandeur de Celles. C’était difficile. Le commandeur avait émigré (11).

Ces faits, joints à une connaissance plus précise de la valeur du serment, amena la rétractation de tous, moins deux, et dès lors leur vie fut celle des parias.
Géraud Vaissières après sa rétractation fut accusé de propos inciviques, arrêté, condamné à l’emprisonnement au château Saint-Etienne à Aurillac. Il fut libéré en thermidor an IV, mais demeura insoumis à la Révolution jusqu’au Concordat.

Guy Salvage, curé de Giou-de-Mamou, chapelain de Pierrefitte, ayant rétracté le serment civique et refusé d’administrer les sacrements à des indignes, fut dénoncé et jeté en prison par ses juges. Il fit appel, mais sa peine fut aggravée. Il fut condamné à la déportation, dirigé sur Bordeaux, enfermé au Petit-Séminaire en attendant le départ pour Cayenne. Le blocus du port par les Anglais le sauva de l’exil.

Raynal, curé de Montchamp, et Chazot, son vicaire, après leur rétractation, se cachèrent, de même Laribe, curé de Carlat, et Bertrand, curé de la Salvetat.

Quant à François-Henry, impossible à Laveissenet, il fut élu, curé de Villedieu, où il fit la guerre à Sauret, curé légitime, et devint un sujet de discorde. Il touchait une pension de 1.2001ivres. Il fut ensuite transféré à Auriac.

Jean Fabre, curé de Jabrun, voulut se maintenir de force, malgré la population, qui ne voulait pas de curé assermenté. Il y eut des désordres. Pour les réprimer, on manda la garde nationale de Saint-Flour. Elle vint jusqu’à Chaudes-Aigues. Là elle comprit qu’il valait mieux rentrer à Saint-Flour, car à Jabrun on se préparait à les recevoir à coups de fusils. Cette déroute entraîna celle de Fabre, qui fut transféré à Massiac.
Tel fut le sort des prêtres desservant les églises de l’ordre.
Quant aux commandeurs, de Seyssel et du Peyroux avaient émigré, de Loras résidait à Malte.

Quant aux anciens fermiers et officiers de justice, ils faisaient œuvres de serfs. Après avoir servi et exploité l’ancien régime, ils servaient et exploitaient le nouveau. Leur but était l’utile et immédiate jouissance, qu’ils cachaient soigneusement sous leurs théories égalitaires. Bertrand, l’ancien juge de Montchamp, dénonçait Spy des Ternes aux vengeances populaires et à la Convention (22 décembre 1792) (12). Chavanon, fils de fermier, et Teissèdre, de Murat, fermier de Celles, dénonçaient les prêtres du district (13).
Ils édifiaient leur fortune personnelle sur des ruines et du sang. Elle fut fragile et ils n’échappèrent ni les uns ni les autres à l’immanente justice.

* * *

L’ordre des Hospitaliers de Malte eut des défenseurs au sein de la Constituante et surtout dans les Chambres de commerce de Bordeaux et de Lyon, qui présentèrent des observations (9 août et 14 novembre 1791). Après quelques flottements, l’Assemblée législative céda aux passions antireligieuses qui l’animaient. Les biens de l’ordre furent déclarés propriétés nationales et mis en vente par une loi du 19 septembre 1792.
La commanderie de Carlat possédait comme principaux biens fonds les domaines du Monteil, commune de Saint-Rémy-de-Salers, et de l’Hôpital de Saint-Cirgues de Malbert.

Le domaine du Monteil fut divisé eu vingt-quatre lots qui furent soumis aux enchères par les soins des administrateurs du district de Mauriac, assisté de M. Malhes, substitut de l’agent national du district, le 3 ventôse an III, et adjugés définitivement le 18, comme il suit (14) :
1e et 2e — Lots, à Michel Veyssière : 37.700 livres.
3e lot — Deux journaux du Pré Clos et des Gouttes, à Antoine Rongier : 17.100 livres.
4e lot — Grange avec écurie, buge et jardins attenant, et quatre journaux du Pré Niau, à Michel Veyssière : 34.100 livres.
5e, 6e et 7e lots — Pré de La Coste, d’une contenance de dix journaux 2/3, à Jean-Pierre Marty : 13.300 livres.
8e lot — Partie du Bois de la Commanderie, à Antoine Dalger : 3.500 livres.
9e lot — Huit stérées du même bois, à Jean Lapayre : 4.200 livres
10e lot — Autre huit stérées du même bois à Antoine Courbouleix : 3.750 livres.
11e lot — Terre de Gély haute, à Jean Robert : 3.600 livres.
12e lot — Bugue et Gély, à Antoine Dalger : 4.550 livres.
13e lot — Pré del Lieucuire (?), à François Delort : 30.100 livres.
14e lot — Trois journeaux 2/3 du Pré Niau, à Pierre Lacoste : 8.100 livres.
15e lot — Autre quatre journaux du même pré, à Michel Veyssière : 11.100 livres.
16e lot — Dix stérées du repastil, dit La Pastural, à Pierre Chassagnol : 7.000 livres.
17e et 18e lots — Autres vingt stéréés, une quartonnée métadens du même tènement, à Jean-Pierre Marty : 13.800 livres.
19e lot — Pré de derrière, d’une contenance de deux journaux 1/2, à Antoine Expinouze : 3.675 livres.
20e, 21e, et 22e lots — Buge et terre Ribeyrolles avec la buge du Bouscatel, le tout d’une contenance de soixante stérées 1/2, à Louis Rigaly : 11.875 livres.
23e lot — Treize stérées 1/4 du même tènement, à Etienne Dlbin : 3.700 livres.
24e lot — Autres vingt stérées 1/4 du même tènement, à Jean Robert : 3.000 livres.
Total : 215.150 livres.

Ce total souligne l’importance du domaine du Monteil, mais au moment de cette vente l’assignat de 100 livres avait déjà presque perdu 75 % de sa valeur et ne valait plus que 26 livres (15).

Le domaine de l’Hôpital, commune de Saint-Cirgues-de-Malbert, ne fut vendu qu’en exécution de la loi du 28 ventôse, an IV, le 25 prairial suivant, par les administrateurs du département à Jean Lapparia aîné, marchand à Aurillac, pour la somme de 21.728 1ivres, 1 sol, 8 deniers.

Le 14 messidor an IV, Joseph Brousse, négociant à Aurillac, acquit au prix de 660 livres, un pré dit de la Commanderie, dépendant de la commanderie de Carlat et situé à Vitrac. C’était probablement un pré du membre de La Salvetat.

Le 26 messidor, la chapelle de Villedieu, « une mazure de chapelle, dit l’acte de vente, et patus en dépendant contenant ensemble trois quartelées » fut vendue à Geneviève Sarret, femme divorcée d’Etienne Deconquans, 108 livres.

Le 8 thermidor, la chapelle de Pierrefitte « en très mauvais état », et un jardin potager, dit du Cimetière, passèrent de la même façon aux mains de Jacques Sérieys, notaire à Aurillac, moyennant 225 livres.

Nous relevons enfin, le 16 fructidor, la vente de la buge de Falguières, « depuis longtemps abandonnée », sise à Jou-sous-Monjou, à François Michel Sistrières dudit lieu, pour le prix de 100 livres, 2 sols (16).
La commanderie de Celles comprenait la chapelle, le château, le domaine et quelques biens appartenant à la cure et à la communauté des prêtres. Ces derniers furent vendus le 14 avril 1791 par ordre des administrateurs du district, Teilliard, président, Peuvergne, Feydin et Teilliard, et à la requête d’Antoine Dominique Cliavanon.

Antoine Sarraille acquit le jardin à chanvre et de Via-Strito : 208 livres.
Rispal acheta le pré de Lavergne : 60 1ivres.
Jean Oudoul acquit le champ de Soudeilles : 700 livres.
Chastel le pré des Chanes : 710 livres.
Jean Glaise le champ des Chanes : 900 livres.
Jean Oudoul le pré des Chapelots : 415 livres.
Jacques Guanilh le champ des Lasaniole : 54 livres.
Pautard, de Bagnac, le champ des Cailles : 200 livres.
Guillaume Peschaud, partie du champ des Chapelots : 85 livres.
Guillaume Peschaud, partie du pré des Chapelots :115 livres.
Pautard, le surplus du pré des Chapelots : 220 livres.
Pautard, le surplus du champ des Chapelots (17) : 625 livres.

Le domaine de la commanderie de Celles comprenant le château, les bâtiments d’exploitation, un bois de 91 arpents, les prés et les champs ci-dessous : champ de la Rompude, 1.700 toises, de Lafont 7.658 toises, du Dois 7.014 toises, de la Pénide 4.722 toises, le champ de la Pradelle, de Soudeilles, de derrière le Château, de la Croix Basse et de la Croix-Haute, les prés de Redon, de la Peyre, du Four, de la Saigne, de la Plaine, le pré Communal, les prés Perehier, de Porte Chabal, le champ Gand, le champ des deux Chemins, les pacages Chantoux, de la Pradelle, de dessus le Buscher, de la Sagne, etc., en tout 95 arpents 2 perches et demie, et la grange de Ribbes furent mis en vente aux enchères publiques le 21 juin 1793.
Voici l’échelle des enchères : de Brives, receveur, offrit 112.000 livres ; Guillaume Teissèdre 115.000 livres ; Eloi Talandier, 116.000 livres ; enfin, Gabriel Sarraille, de Traverge, dernier adjudicataire, obtint le domaine à 117.000 livres.
La plupart des soumissionnaires étaient des bourgeois de la ville de Murat dont la famille s’était enrichie dans les fermes seigneuriales. Le dernier était fils du fermier du domaine de Celles.

Ces ventes se payaient parti comptant et parti par annuités en assignats. A la 4e annuité les assignats n’avaient aucune valeur, on pouvait se les payer à bas prix. Il en résulta une perte considérable pour l’Etat. Les domaines furent donnés ; d’où le dit-on populaire : ils eurent le domaine pour l’argent d’une paire de bœufs (18).
Le 29 novembre 1792, Rongier, vice-président du district, Dupré, Devillas, Richard, administrateurs, Clavières, procureur, et Falsy, secrétaire, procédèrent à la vente aux enchères publiques du domaine de Montchamp, composé de maison, ferme, jardins, cours, prés, champs, bois, etc.
Le domaine fut acquis par un groupe comprenant Marc-Antoine Dupré, Michel et Jacques Douhet, Jacques Aliadières, Pierre Plombier moyennant 21.000 livres (19). Le 1e janvier 1793, les mêmes acquéreurs vendirent quelques pièces à Jacques Apchier, Pierre Brun, Vital Escudier, Jean Artis, Jean Teissèdre, Guillaume Delorme, Pierre Valat, Pierre Maury, Bertrand Roche, Antoine Mathieu, Jean Garnier et Dominique Clavillier (20).
En étudiant cette vente et les suivantes, on se convainc de la fausseté de cet aphorisme, que la Révolution se fit en faveur des petits. Elle se fit au profit de la bourgeoisie et des gros paysans. Ici, une société composée du bourgeois Dupré, soutenu par trois riches paysans acquiert le domaine, puis revend quelques pièces détachées, maisons, jardins, prés, champs, etc. aux petits paysans et les revend à Bénéfice.
Les Dupré furent de grands acquéreurs de biens nationaux. Le 25 Floréal an II (16 mai l794), Jean Allègre, Jean Moranne Antoine Loyer, Antoine Chalvet, de Sistrières, achetèrent les Terres Froides, dépendantes du domaine de Montchamp moyennant le prix de 9.225 livres (21).
Le membre de Loubeysargues était l’un des membres des plus riches de la commanderie de Montchamp. Les propriétés sises à Laveissenet furent vendues le 4 ventôse an II, savoir :
Le champ du Puech, à Guanilh de Murat, moyennant le prix de : 50 livres.
Le champ Rouge, à Charbonnel et Roche de Cheylanne :110 livres.
Le champ Grand, à Joachim Guanilh, de Murat : 305 livres
Le champ du Four, à Jean Michel : 300 livres.
Le champ de Molèdes, à Pautard, de Molédes : 304 livres.
Le champ de Lasche, à Teilhard-Nozcrolles, de Murat : 325 livres.
Le champ de Lacroix, au même : 80 livres.
Le champ de La Garde, au même : 116 livres.
Le champ des Chanaux, à Bertrand Combes : 95 livres.
Le champ de La Chamyre, à Pierre Martty : 340 livres.
Le champ de Las Sagniéres, au même : 160 livres.
Le champ de Las Perdrix, à Pierre Lombard : 215 livres.
Le champ de Las Bibeyre, à François Quayron : 610 1ivres.
Le champ de Las Peyros, à Guillaume Farreyre : 404 livres.
Les prés du Breuil, à Alexandre Paillard : 24.200 livres.
Les propriétés sises à Loubeysargues furent vendues à diverses époques. Le 25 prairial an II, Jean Nioucet acheta la Buge del Mort ; le 15 Floréal, Jacques Puech le sol de la dîme, 80 livres ; le 17 pluviôse, Pierre Baduel, dit Gascou, le moulin de la commanderie, dit de l’Eschaldat, 585 livres. Le 26 brumaire, Jean et Pierre Vidal, François Foulheron, Jacques Caucal, Dunand Cheyrouse, Jean Pons, Jean Beaufils, Louis Vidalhin, Pierre Saurou, Jean Astruc, de Brageac et du Chambon achetèrent les Fraux de l’Hôpital contenant 149 stérées pour le prix de 20.000 livres (22).

Un champ, situé à Muniargues, commune de Valuéjols, fut vendu le 225 messidor an IV, à Jean Roussilhe, commissaire du Directoire près le canton de Tanavelle, 143 livres. Cinquante-six stérées des Fraux de Valuéjols, réservées au moment de la vente du 26 brumaire an II, furent acquises au prix de 1.540 livres, le 8 thermidor suivant, par Durand Sechoyroux et Jean Vidalenq, de Valuéjols (23).
Le 4 novembre 1792, Pierre Aujollet, l’un des meilleurs propriétaires du village, qui eut pu tout acheter s’il eut voulu, se contenta de four banal qu’il acquit moyennant 360 livres. Encore faisait il cette acquisition au nom du village (24).
L’acquéreur du domaine fut Jean Allarv, moyennant 30.000 livres. Il acquit également la chapelle ; le 18 messidor an IV, pour le prix de 110 livres. Nous aurions là le total des biens vendus dans le membre de Loubeysargues, si nous avions la vente de la montagne de l’Hôpital.
L’acquéreur du domaine ne fut pas du tout embarrassé de la chapelle, il la détruisit et se servit des matériaux pour faire une loge à porcs devant sa maison. Matérialisé par les théories athéistes du siècle, le cuistre n’avait vu dans cette chapelle que les pierres ; que lui importait qu’elles fussent consacrées par la prière, embaumées des parfums d’encens, imprégnées de mystères divins, son horizon de vandale n’avait pas de ces délicatesses. Encore moins songea-t-il à ce petit clocher de village, dont la cloche si caressante donnait le signal du travail et du repos matin et soir. La petite chapelle, âme du village, qui connaissait ses joies et ses tristesses qu’elle avait chantées et pleurées était maintenant l’esclave d’un de ces corsaires de l’intérieur du pays d’Auvergne. Et ce corsaire après l’avoir faite prisonnière, la condamnait à mort au nom de la liberté. Ses belles pierres roses servirent à la construction de la loge, ses fûts et ses chapiteaux danchés, fleuronnés, furent posés sur une muraille de basse-cour. A les voir ainsi, on songe à ces têtes pendues à la porte de quelque sérail turc.
Elles sont toujours là, accusant le vandale.

Les meubles furent brûlés sans souci de leur valeur artistique, seul Saint-Loup échappa au feu. Au moment, où on le portait au bûcher, nous dit l’abbé Olagnol, un habitant du Ché l’acheta un char de bruyère. Et depuis Saint Loup est au Ché bénissant les abeilles, qui donnent un miel exquis.
Il y aurait toute une page d’apologétique à écrire sur les acquéreurs de biens nationaux. Ceux qui acquirent les biens de l’ordre de Malle ne firent pas fortune.
L’immanente justice divine les poursuit de ses vengeances d’une génération à l’autre. Ici, la ruine physique, là, la ruine morale, ailleurs, celle de la race. Nous n’avons qu’à prendre chaque propriété, remonter au premier acquéreur et nous constaterons que l’une est déjà passée à trois ou quatre familles différentes et toutes s’y sont ruinées, un autre change à chaque génération, le propriétaire n’ayant invariablement qu’une fille ; d’autres, après une période brillante, s’éteignent dans la folie. Nous pourrions mettre des noms, nous ne le faisons pas parce que les descendants ne sont pas responsables des fautes de leurs pères, mais nous constatons que la Providence n’a jamais favorisé les méchants et que le bien volé est une malédiction.

Suite chapitre 9

Sources : BOUFFET (ABBE Hippolyte). - Deuxième partie, chapitres VIII - Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean en Haute-Auvergne, Page 40 à 60. BNF

Notes
1. Archives du Rhône, H 78.
2. Archives du Rhône, H 81.
3. Archives particulières de la maison Bouffet à Meymargues.
4. Le curé de Salvetat avait en presbytère, une garenne, des prés et des champs, plus 55 setiers de seigle, mesure d’Aurillac.
5. Au tènement Sylvestre, les documents constatent la ruine d’une ancienne chapelle.
6. Archives du Rhône, H 138.
7. Archives du Rhône, H 667.
8. Archives du Rhône, H 151. Procès-verbal du chevalier Jean de Rochedragon, 1681.
9. Archives du Cantal, H fonds de Malte, visite de François-Louis de Bosredon, 1775.
10. Archives du Rhône, H 151
11. Archives du Cantal, L. 179.
12. Archives du Cantal : Procès-verbal de l’Assemblée départementale, I. 24 folio 244.
13. Registre des amis de la constitution.
14. Archives du Cantal, Série Q (non classées). Nous n’avons pu trouver la consistance des deux premiers lots qui comprenaient le surplus du Pré Clos et des Gouttes. L’Ort Redon, partie de bois et sans doute les bâtiments d’habitation.
15. Arrêté de l’administration centrale du département du 27 thermidor an V. Archives du Cantal, Série I, 33, folio 95.
16. Archives du Cantal, Série Q. Registres des ventes faites en exécution de la loi de ventôse an IV.
17. Archives Cantal. Série Q.
18. En Thermidor en IV, l’assignat de 100 livres n’en valait plus que 8 ! (Arrêté du 27 thermidor an V)
19. Bienveillante communication de Léon Félard, archiviste de Saint-Flour.
20. Extrait des registres de Chirol, receveur du district de Saint-Flour, mis à notre, disposition par M. le chanoine Trioullier. Ce registre comprend aussi la vente du domaine en 1792.
21. Archives Cantal. Série Q.
22. Archives particulières de M. Le Chanoine Trioullier, Registres Chirol, receveur des finances.
23. Archives du Cantal, Série Q. Registres des ventes faites en exécution de la loi ventôse an IV.
24. Registres Chirol.


Suite chapitre 9

Sources : BOUFFET (ABBE Hippolyte). - Deuxième partie, chapitres VIII - Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean en Haute-Auvergne, Page 40 à 60. BNF

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